Jessie
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Jessie

Film de Mike Flanagan (2017)

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Première adaptation par Mike Flanagan d’un roman de Stephen King, ce qui est relativement étonnant vu à quel point l’auteur semble avoir eu une influence sur ses travaux précédant. ‘’Gerald’s Game’’ c’est avant tout un exercice de style de la part de King, qui de fait devient un exercice de style de la part de Flanagan.
Jessie et Gerald, un couple en crise, décide de se faire un week-end à la campagne dans leur résidence secondaire, afin de renouer ensemble. Tout commence pour le mieux, puis ils se lancent dans un jeu sexuel au cours duquel Gerald attache Jessie avec des menottes, à la tête de lit. Partant pour simuler un viol, Jessie se sent vite mal à l’aise, et désire arrêter. Ce qui a le don d’agace Gerald. Il insiste un peu, Jessie se défend, et là c’est le drame. Gerald est victime d’une crise cardiaque et s’écroule sur Jessie, désormais prisonnière du lit.
Voilà pour ce qui est du point de départ de ‘’Gerald’s Game’’. Tout le reste du métrage concerne la lutte de Jessie pour ne pas perdre la raison, et trouver un moyen de s’échapper. Dans un style assez proche du ‘’127 Hours’’ de Danny Boyle, Mike Flanagan utilise toutes les possibilités que lui offre le roman de Stephen King pour proposer sa vision propre, à l’aide de grandes libertés prises avec le matériau de base.
Apanage des bonnes adaptations, la réappropriation d’une œuvre pour livrer une nouvelle lecture, tout aussi passionnante, n’est pas une démarche aisée à Hollywood. Souvent c’est un peu fainéant, et ça se repose trop sur le livre, avec une crainte de prendre des libertés. La peur de se mettre à dos la partie la plus puriste du public. Alors que c’est tout à fait l’inverse : Une bonne adaptation c’est quand on ne se retrouve pas exactement devant à ce qu’on a déjà lu.
Le ‘’Gerald’s Game’’ version Mike Flanagan est ainsi une plongée dans la psyché de Jessie, qui se manifeste par des projections qu’elle se fait de Gerald et d’elle. Dans une sorte de variation de l’ange et du démon, ils représentent sa conscience, qu’elle essaye de la maintenir éveillée, pour ne pas sombrer.
Le temps passe, alors que la carcasse de Gerald gît sur le sol, les heures sont comptées. Toute l’intrigue se met alors à tourner autour du simple fait de comment elle va trouver une solution. Ainsi, en tant que spectateur/rice on vibre avec elle, on souffre avec elle, on voit naître une empathie naturelle envers elle. De plus Jessie est un personnage sympathique, étoffé par des flash-back sur son adolescence. Évocation d’un traumatisme qui s’intègre parfaitement aux thématiques chères à Mike Flanagan.
Il s’y retrouve l’idée de la famille dysfonctionnelle, et du transfert établis par Jessie de son adolescence sur sa vie d’adulte. Avec un sujet casse gueule, Mike Flanagan et Jeff Howard (co-auteurs du scénario) marchent sur des œufs en abordant un sujet pas facile. Heureusement, production Netflix oblige, ils ont carte blanche, et laissent libre cours à leur démarche.
‘’Gerald’s Game’’ n’est pas seulement le premier pied que Mike Flanagan met dans l’univers de Stephen King (il réitère l’expérience en 2019 pour ‘’Doctor Sleep’’, et prépare actuellement ‘’Hallorann’’, inspiré d’un personnage de ‘’The Shining’’), c’est aussi le film qui le consacre comme un auteur à part entière, capable par une mise en scène profonde de traduire bien plus que ce qu’il se passe à l’écran.
Avec élégance et retenue, il film l’éprouvant calvaire de Jessie à hauteur de cette dernière. Présente dans la quasi-intégralité des plans, Carla Gugino porte totalement l’œuvre sur ses épaules. Et qu’il est plaisant de retrouver cette comédienne talentueuse, qui depuis la fin des ‘90’s a eu une seconde partie de carrière loin d’être à la hauteur de ce qu’elle peut offrir.
Ici elle fait l’étalage de tout son talent, accompagnée d’un script malin, solide, et dynamique.
Il se passe mille richesses à l’écran, et l’ennuie ne point jamais. À l’instar du livre de Stephen King, cela démontre que même économie de moyens peut proposer des récits riches et trépidants.
À noter toutefois une dernière séquence un peu longuette et tirée par les cheveux. Même si la démarche est liée à l’émancipation de Jessie comme une individualité unique et indépendante, ça traine un petit peu en longueur. Sachant que toute la force de caractère du personnage est présenté graduellement tout au long du récit. Une baisse de régime déjà présente dans le livre de Stephen King. Réputé pour rater ses fins (de son propre) ‘’Gerald’s Game’’ en est une preuve de plus. Après 300 pages haletantes, il faut se farcir une centaine de pages un peu… Meh…
Idem pour les dernières minutes de cette adaptation donc. Mais ça n’est en rien dommageable, car le métrage parvient tellement à capter une atmosphère, et donner vie à un personnage seul et immobilisé, que l’on ne peut que pardonner une certaine maladresse. Certainement l’œuvre la plus aboutie de Mike Flanagan depuis ‘’Hush’’, il démontre qu’en sortant de sa zone de confort le cinéaste s’avère des plus créative et virtuose.
Un excellent film donc, original et haletant, comme on en a finalement assez peu dans ce genre.


-Stork._

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le 16 févr. 2020

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