La « direction de spectateurs » de Hitchcock produit toujours des œuvres sciemment élaborée mais parfois naïve et superficielle. Les codes qui régissent La main au collet par exemple, maintes fois employés dans le cinéma hitchcockien, s’avèrent désuets et infructueux.

Pour Jeune et innocent, Hitchcock, de son propre aveu, est encore en pleine expérimentation de ses procédés de montage et de syntaxe cinématographique. Un homme est accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, leit motiv prétexté pour élaborer un système de suspense qui saura «maintenir en haleine» le spectateur. Cet homme essaie donc de prouver son innocence. C’est le moteur clé d’Hitchcock qui permet de justifier toute sa démarche spectaculaire. L’efficacité du découpage hitchcockien tient au fait qu’il ne sur-esthétise jamais ses plans, se concentrant sur l’interaction du plan plutôt que sur sa beauté photogénique. Les cadres se répondent, faisant acte de la maîtrise du montage et de la fonction des images. L’intrigue et son dévoilement cinématographique sont construits de telle façon que le spectateur ne peut que s’inquiéter sur l’issue de l’enquête.

Le cinéma relève totalement d’un enjeu spectaculaire. D’ailleurs ce n’est pas tant le dénouement de l’enquête que l’expérience du suspense qui importe. Adjoint par une héroïne naïve, le pseudo-tueur doit s’inculper. Sa quête sera finalement déléguée à cette même jeune fille et à un clochard, seul témoin capable d’identifier le véritable tueur. L’apparition reconnue du tueur à l’écran donne notamment droit à un plan d’une virtuosité inouïe, passant d’un plan d’ensemble à un gros plan exemplaire de la fameuse «direction de spectateurs» d’Hitchcock. La culpabilité toute kafkaïenne qui régit le personnage masculin trouve son application dans la mise en forme du film, de telle façon que Jeune et innocent, sous les aspects d’un film britannique mineur, contient les prémisses du grand Hitchcock américain.

YasujiroRilke
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Alfred Hithcock

Créée

le 16 nov. 2025

Critique lue 3 fois

Yasujirô Rilke

Écrit par

Critique lue 3 fois

D'autres avis sur Jeune et innocent

Jeune et innocent
Sergent_Pepper
7

Critique de Jeune et innocent par Sergent_Pepper

Un bien sympathique Hitch de la période anglaise... L'innocent embarqué dans une sale histoire est toujours aussi charmant et n'y perd pas son humour. Les scènes cocasses et les badinages...

le 19 juin 2013

10 j'aime

Jeune et innocent
Val_Cancun
6

The drummer man

Frais et sympathique, "Young and innocent" reste toutefois un film mineur dans la riche filmographie d'Alfred Hitchcock, énième variation sur le thème du faux coupable cher au cinéaste...

le 23 mars 2016

9 j'aime

Jeune et innocent
JeanG55
8

Critique de Jeune et innocent par JeanG55

Si, à travers le titre du film, Hitchcock dévoile le fin mot de l'histoire, c'est que l'énigme en elle-même ne doit pas avoir tant d'importance. D'ailleurs, dès le début, on le sait. C'est, un peu...

le 27 sept. 2023

6 j'aime

Du même critique

Les Chatouilles
YasujiroRilke
4

Critique de Les Chatouilles par Yasujirô Rilke

Indispensable pour son sujet et ce qu'il témoigne des violences sexuelles faites aux mineurs. Mais, comme objet de cinéma, hormis les inventions exportées du théâtre, il n'invente rien. Et...

le 20 nov. 2018

9 j'aime

8

L'Homme fidèle
YasujiroRilke
3

Critique de L'Homme fidèle par Yasujirô Rilke

De la Nouvelle Vague d'où L.Garrel tire sa filiation, il n'en reste ici que peau de chagrin. Exit la légèreté, le dilettantisme, la gracilité de Truffaut ou Rohmer. Bonjour le sérieux de pape d'un...

le 7 janv. 2019

9 j'aime

Rythmes et botanique (EP)
YasujiroRilke
8

Critique de Rythmes et botanique (EP) par Yasujirô Rilke

La puissance de cet EP, derrière la modestie de son contenu, tient à la sagace composition de ses beats, entre rap, hip hop et dubstep franc, et à la plume aiguisée et percutante de son auteur,...

le 25 mai 2017

8 j'aime

1