Attention ! Cette critique contient des spoilers.


Une chose m’a sauté aux yeux dès les premières minutes du film : l’héroïne, Paula, est très désagréable. Je vois en elle des similitudes avec le personnage d’Angèle dans Tout ce qu’il me reste de la révolution, dans une version plus agaçante : toutes les deux ont de grands discours énervés, parfois désorientés ; elles tentent un retour chez l’un de leurs parents et il ne se déroule pas sans accroc ; la relation avec leur mère est tumultueuse. L’élément déclencheur de leur changement de vie est un grand bouleversement pour chacune : une rupture amoureuse pour Paula, un licenciement pour Angèle. Et pour en finir avec les ressemblances : elles partagent un blond vénitien.


Les deux films se déroulent à Paris, mais sont bien différents. Jeune femme n’échappe pas à la scène de danse dans une « soirée parisienne » (celles qu’explique si bien Louise Attaque), ni à la scène d’errance dans le métro. Et que serait une parisienne sans sa cigarette à la fenêtre ? Je ne fume pas, je suppose que je ne peux pas comprendre.


Je trouve l’attitude de Paula tout à fait flippante, notamment dans la première moitié du film. Cette attitude s’explique par son chagrin, mais n’en reste pas moins inquiétante. Elle harcèle son ex, l’appelle en pleine nuit, reste au pied de son immeuble à lui crier dessus par l’interphone, l’appelle pour raccrocher aussitôt. Elle s’improvise voleuse en emportant le trench d’une de ses voisines de chambre (je reviens très bientôt sur le passage à l’hôpital) : et si la propriétaire du trench avait laissé ses papiers dans son trench ? Sa carte bancaire ? Ses clés ???


Parlons donc des urgences psy. Je les ai trouvé présentées assez positivement, les soignants sont humains (notamment un infirmier joué par Jean-Christophe Folly, que j’aime beaucoup), et on voit que n’importe qui peut s’y retrouver à cause d’une fragilité temporaire ou chronique. Qu’une hospitalisation là-bas ne soit pas toujours bien vécu dans la réalité, c’est vrai, mais ici elles sont représentées comme étant bienfaitrices, et un peu dépassées, ou bien patientes face au flot de paroles de Paula.


Paula ne m’a pas fait rire. Le film est classé en « comédie dramatique », mais sa manière de vouloir égayer l’enfant qu’elle garde m’est amusante à 0%, et sa rencontre providentielle avec une fausse camarade d’enfance est cousue de fil blanc.


Mais avant tout (je n’ignore pas que c’est le sixième paragraphe de ma critique), Paula est une baratineuse compulsive, et c’est le trait de caractère que j’ai le plus détesté chez elle, alors que je pense qu’il était censé être tragi-comique. Elle ment sans cesse, que ce soit pour trouver un logement ou du travail. La scène de l’entretien d’embauche était une des seules que j’ai trouvé drôles (son « rouge à lèvres n’est pas conforme au code couleur du magasin »). Elle prend ses aises dans l’appartement qu’elle nettoie, elle tripote les objets, les bijoux. Je la trouve assez irresponsable. Ses cheveux en tresse me font penser à ceux de Dakota Johnson dans Suspiria (2018), à ce moment-là, mais c’est la seule comparaison entre elles que je ferai.


Le film commence à s’améliorer avec l’apparition du personnage de la sage-femme, qui est très sensible et compréhensive. Je deviens un peu plus empathique envers Paula, dans ses galères, et on peut penser qu’elle ment par instinct de survie. Elle crie moins au fil du film, et c’est un vrai soulagement. Ses mensonges lui retournent partiellement en pleine face, mais elle insiste et ça la perd.


Chez sa mère, elle s’accroche à la rambarde de l’escalier pour éviter que sa mère ne la fasse partir, alors qu’elle essaye violemment. À table, quand sa mère s’est résignée à ne pas la chasser, elle se cache le visage pour pleurer. Pour la première fois du film, elle est touchante. Sa blessure au front, qu’elle garde pendant tout le film, se réouvre et matérialise sa fragilité. Sa mère lui caresse les cheveux pour l’apaiser, pour la première fois depuis de nombreuses années.


Vers la fin du film, Paula sait enfin ce qu’elle veut. La robe finale est noire, échancrée dans le dos, comme celle de Mireille Darc. Ce noir contraste avec sa tenue de travail rose. La situation avec son ex s’inverse : Paula ne veut plus de lui, alors que lui veut la récupérer ; il tente même de l’agresser sexuellement. Paula a enfin compris une chose, à la fin du film. Elle doit prendre un nouveau départ et se détacher de son ex, alors elle lui annonce : « toi non plus, tu m’aimes plus ».

Balancine
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le 28 mai 2020

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