Le contexte de sortie de To Be or Not to Be est frappant, le nazisme est présent de toutes parts, et l'Art est censuré en Pologne, pays que le Troisième Reich occupe. Le film d'Ernst Lubitsch est encore aujourd'hui, un monument de la comédie. Les dialogues sont savoureux, les quiproquos hilarants et l'absurdité des situations et propos, indéniablement triste au fond.


L'angoisse de ne plus captiver le spectateur par une tirade de Shakespeare, c'est la peur que l'Art soit oublié, qu'il n'importe plus que la liberté d'expression artistique existe. Autrement dit, c'est la peur de ne plus être un homme capable de provoquer l'émotion chez le spectateur, mais un pantin dont le public est le seul à pouvoir tirer les ficelles.


Lubitsch évoque avant tout la notion de liberté. Bien sûr, le personnage joué par Carole Lombard souhaite ne pas dépendre de son mari, mais être libre à vaquer à ses occupations, à rencontre le jeune homme qui la séduit. Joseph Tura quant à lui, se sent perdu. Il ne se sent plus capable de jouer correctement devant le public, a le sentiment que sa femme ne l'aime plus.


Puis l'occasion vient. Alors que la pièce de théâtre était annulée pour cause d'occupation nazie et des règlements intérieurs, la troupe se décide à tenter de faire échouer le démantèlement de la Résistance polonaise. Entre la grande Scène de théâtre en pleine lumière, d'une sombre réalité. Ainsi, si Lubitsch utilise la comédie dans la triste réalité des choses, cela est pour mieux ridiculiser la pensée nazie, absolument grave et dénuée de tout recul. Il se rend alors dans les cartes de la satire.


La mise en scène de Lubitsch alterne entre le classicisme, très sobre et au contraire, une réalisation très fluide et sans temps mort, dans les séquences d'action. De là nait l'étrange impression de regarder par moments une pièce de théâtre, de ne plus reconnaître les nazis des Résistants dans les quiproquos, puis de ressentir à nouveau la panique lorsque l'on sort du cadre fermé par les personnages. To Be or Not to Be est donc un très grand film sur la lutte pour l'expression, ici pour la liberté artistique. A la fois drôlissime et attachant, il s'impose comme un modèle de comédie inimitable.


Critique rédigée en 2021.

Créée

le 30 oct. 2021

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William Carlier

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