Le génie d'Andrew Stanton, c'est de payer sa dette

Sur les bons conseils de l'ami Conrad, The Renaissance Man, je suis allé voir John Carter. Enfin, les bons conseils... Pour être parfaitement honnête, j'ai monnayé ma présence à cet événement culturel. Comme tout le monde, j'avais vu la bande annonce, ses Jar-Jar Binks verts à quatre bras, ses vaisseaux spatiaux en forme de libellule, et son intrigue faite du plus fin parchemin martien. De plus, les nouvelles du pays natal étaient mauvaises : Disney collait dans ces comptes 150M$ de pertes, et l'imputaient à ce pauvre John. C'est salaud, mais c'est comme ça, la compta...

Ma motivation, si jamais il y en eu une, était désormais à zéro. Mais le Professore est vénal, et acceptait donc de se faire sponsoriser. Ma place serait remboursée si jamais le chef d'œuvre n'était pas au rendez-vous. En professionnel des loisirs et du jeu d'argent, je savais que ce pari était très probablement gagnant, la cote du pauvre Conrad s'étiolait de jour en jour, et moi j'allais ajouter un film à ma liste qualificative du Topten.

Gratos.

Conrad cassait son PEL, en vue de payer les 12 euros 90 du Gaumont Parnasse, plus la somme modique de 1 euro pour m'offrir des lunettes 3D. Encore un indice de cote à la baisse, car comme chacun sait 3D=caca.

Bon, bref, me voilà donc mal installé, lunettes sur les yeux, avec une mangeuse bruyante de pop corn à côté, et une hideuse bande annonce de Titanic 3D en apéritif.

Et le film commence.

Mal.

Une scène de bagarre sur une Libellule de Combat où on ne voit rien, because la 3D + confusion cinégénique. Et les rigolades ne tardent pas à fuser :

- « Les Therns de Barsoom attaquent la cité d'Hélium, Grand Jeddak ! »

Sans déconner.

Mais hop, un petit flash-back western. 1881, le jeune Burroughs (allusion à l'auteur d'Une Princesse de Mars), touche un héritage. Des millions de dollars, et un livre, les souvenirs de son oncle, John Carter.

Hu,Uh...

C'est là que commence John Carter, le grand film d'aventure d'Andrew Stanton. Et il ne va pas vous lâcher. Car à ma grande surprise, John Carter va nous scotcher jusqu'à la fin, sans pour autant se départir de son esthétique pulp.

C'est quoi, le pulp ? Un papier, de mauvaise qualité, destiné à l'impression de romans de gare publiés dans les années 20-30. C'est là que va naître la science-fiction, les Astounding Stories et autre Weird Science. Les premiers écrivains pulp mêlent science-fiction, princesses déshabillées à forte poitrine, héros musculeux sabre à la main, et anciennes civilisations extraterrestres. Flash Gordon, John Carter, Conan le Barbare, naissent à ce moment-là. Et satisfont une clientèle mâle en peine d'exotisme et d'érotisme. Edgar Rice Burroughs, avant Tarzan, une version édulcorée de l'homme en slip panthère, crée le cycle de Barsoom, les aventures de John Carter.

Le génie d'Andrew Stanton, c'est de payer sa dette à cet univers-là, comme il en rêvait parait-il, depuis de nombreuses année... C'est ensuite d'en faire une tragi-comédie, tout en respectant les canons du genre. Pendant 2h, il ne lâchera rien : les costumes ringards, les épées en plastique, la princesse un peu trop plantureuse, et l'acteur principal qui s'appelle Kitsch. Il y a même le chien, martien, à huit pattes, qui s'appelle Woola. C'est ce qui s'appelle une course à handicap.

Mais pourtant, Stanton va créer un personnage, John Carter, rebelle sans cause, soldat perdu qui a déjà tout perdu, et n'a aucune raison de prendre parti dans cette guerre des Bleus et des Rouges. Il va nous attendrir sur le sort de Dejah Thoris (la bombasse qui a abusé des cheeseburgers martiens), et qui ne veut pas se marier avec son ennemi Sab Than. Même si cela amène la paix, car elle est convaincue que cela déclenchera la guerre. Il va même nous émouvoir sur une relation père fille entre Thrak, les fameux Jarjarbinks martiens dont nous nous gaussions au début de cette chronique. Et il va, enfin, magnifiquement réussir à retomber sur ses pieds dans le final. Comme chacun sait, ce qui compte, c'est souvent la conclusion.

Voilà donc un OVNI ; un film de SF à gros budget qui n'espère pas vendre de peluches ou de Happy Meal, une ode au pulp matinée de réflexions philosophico-écologistes, un casting au rabais, mais avec de vrais personnages, un univers improbable mais des dialogues fins et drôles...

Au final, un incident industriel qui n'aura pas trouvé sa cible. Les fans de Burroughs sont peu nombreux (et n'y sont pas allés), les autres ont trouvé la GCA un peu fort de café.

Dommage, nous ne retournerons donc pas de sitôt sur... Barsoom !
ludovico
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste TOPTEN 2012

Créée

le 11 avr. 2012

Critique lue 474 fois

4 j'aime

ludovico

Écrit par

Critique lue 474 fois

4

D'autres avis sur John Carter

John Carter
drélium
4

John & John

Non mais là, depuis quelques temps, on est rentré dans une nouvelle dimension quand même. J'ai pourtant l'habitude d'être ultra bon public en divertissement et fantasy spatiale John & John, mais...

le 19 mars 2012

70 j'aime

37

John Carter
Hypérion
6

Notre but ? Détruire Barsoom ! Pourquoi ? On verra plus tard...

Difficile de définir mon sentiment en sortant de la séance de John Carter. J'y suis allé pour deux raisons. La première, une envie de me noyer la rétine sous une bonne cascade d'effets spéciaux...

le 14 mars 2012

65 j'aime

22

John Carter
Behind_the_Mask
8

Requête en révision

Votre Honneur, J'introduis aujourd'hui une requête en révision, afin de laver l'honneur d'une victime injustement condamnée. Car John Carter a été injustement condamné. J'entends la salle qui...

le 11 avr. 2015

50 j'aime

21

Du même critique

Shining
ludovico
9

Le film SUR Kubrick ?

Après le flop public et critique de Barry Lyndon, Kubrick a certainement besoin de remonter sa cote, en adaptant cet auteur de best-sellers qui monte, Stephen King. Seul Carrie a été adapté à cette...

le 7 févr. 2011

191 j'aime

86

La Neuvième Porte
ludovico
9

Un film honteusement délaissé...

Un grand film, c’est quoi ? C’est un film qui passe sur NRJ12 (en VF mal doublée), qu’on prend au milieu, et qu’on regarde jusqu’au bout, malgré l’alléchant Mad Men S05e1 qui nous attend sur Canal à...

le 23 janv. 2011

58 j'aime

3

Borgia
ludovico
3

on y a cru pendant vingt secondes, jusqu'au générique...

C'est parti pour la série événement de Canal+. Ils sont forts chez Canal, ils ne font pas de série non-événement ! Mafiosa, Braquo, Borgia : même combat. Pour cette dernière, on y a cru pendant vingt...

le 14 oct. 2011

41 j'aime

13