« Vivre pour rien ou mourir pour quelque chose »

Vingt-six ans après le premier Rambo, le super-soldat malgré lui fait son retour, dans l'un des rares films occidentaux reflétant les conflits armés contemporains en Birmanie. Stallone réalise lui-même John Rambo (il tournera Expendables l'année suivante), quatrième opus en rupture avec les deux suites de 1985 et 1988, produits conformes aux velléités de l'administration reaganienne. De la dénonciation d'abus de pouvoirs et manipulations de ressources humaines par l'armée, Rambo devenait un américain indépendant rejoignant la ligue anti-communiste, soutenant au passage les bons, pieux et badass Afghans (3e opus) dans leur combat pour la liberté.


Débarassé de toute grandiloquence et de toute connivence avec une idéologie du moment, John Rambo se rapproche du premier opus en auscultant discrètement l'état psychologique et moral de son (anti)héros. John Rambo s'inscrit plus clairement dans le registre de l'action-movie et est sur ce plan le meilleur cru de la saga, de loin le plus intense et énergique. Simple, carré, percutant, il pose un cadre concis, opère en 87 minutes, avec une mission menée à son terme : faire le job, montrer ce que c'est surtout. John Rambo (film comme personnage) est un exécutant excellent et sans bavures, mais aussi un exécutant lucide, sec.


L'approche est intéressante, nullement hagiographique, brutale et sincère. Le personnage éponyme a évolué, son recul s'est radicalisé et teinté d'un désespoir inamovible. Mature, posé, Rambo n'est plus secoué par ses troubles passés et a carrément évacué toute spontanéité. Il prend en charge les situations, sa non-émotivité flirte avec l'indifférence aux agitations voir aux provocations des autres, sa maîtrise des contingences le conforte dans une telle position. Fataliste, il admet que les hommes sont ainsi, faits pour la guerre. Une telle disposition est vertueuse, lorsqu'elle rend prêt à agir en occultant ses besoins propres ou une morale personnelle ; quand il ne vivote pas, il s'élance afin de réparer, un peu, ce monde inique et sordide.


Rambo est un Churchill désabusé (et sans recul) lorsqu'il se tourne vers les autres recrues de la mission en cours (« vivre pour rien ou mourir pour quelque chose ») - l'armée d'élite partant en sauvetage. Le revers se manifeste là, en écho à ce fatalisme bourrin et implacable : il manque une extension pour faire de ce John Rambo un 'grand' film, quoiqu'il pèse déjà très lourd. Pas de ré-adaptation, pas de révélations ou de cheminement vers la révolution, pas de promesses lumineuses. Il ne pouvait y avoir d'envolées, c'est son caractère et le ciment de sa puissance ; mais sans doute qu'un plongeon plus large dans l'intimité de Rambo, ou même une relance majeure venant allonger le programme, aurait pu porter ses fruits.


Tant pis, ce happening consiste à monter au créneau, un créneau d'une violence extrême et puis rien d'autre, du moins sans se perdre en ambitions futiles ou en espoirs menaçants. Ainsi, dès le départ Rambo rejoint le groupe humanitaire en étant persuadé qu'il ne changera rien de la donne actuelle ; mais la volonté, l'engagement sérieux et les charmes de la leader (Julie Benz, vue dans Les Visiteurs 3) le poussent ; de plus sa nature lui interdit de rester passif, quelque soit ses constats. Le final marque un retour au pays et célèbre cette simplicité ; un coin joli et pacifique pour le guerrier revenu de tout.


https://zogarok.wordpress.com

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le 31 août 2015

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Zogarok

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