C'est un western majeur. Un de ceux qui marquent le spectateur. Je l'ai vu au cinéma quand j'étais au collège. J'ai dû le revoir une autre fois à la télé (peut-être à "la dernière séance" mais je ne suis pas sûr).
Les années passent jusqu'au jour (assez récemment) où je découvre Yves Boisset dans un bonus racontant une entrevue avec Sterling Hayden qui lui avoue que le pire western qu'il ait jamais tourné, c'est "Johnny Guitare" alors que Boisset en faisait l'éloge. "Si vraiment vous trouvez que c'est un bon film, alors on ne pourra pas faire de bonnes affaires ensemble" lui rétorqua Hayden...
Ma curiosité étant piquée au vif, j'ai acheté le DVD pour voir. Et je confirme toujours : c'est bien pour moi, un western majeur.


Et j'ai lu des tas de choses sur ce western qui me laissent perplexe car il semblerait que tout le monde se soit foutu sur la gueule au propre comme au figuré pendant le tournage. Et quand je dis tout le monde, c'est tout le monde y compris Joan Crawford qui détestait Mercedes McCambridge ! Pourquoi suis-je perplexe ? Parce que d'un tas de merde, de haine et de fumier est sorti un chef d'œuvre !


Tout y est fascinant parce qu'insolite dès le départ : ce cow-boy blafard et sans armes, une guitare sur le dos façon baladin au moyen-âge ; un saloon à flanc de montagne au milieu de nulle part, vide dans l'attente du client ; des explosions dans la montagne et l'apparition de Joan Crawford avec ses vêtements masculins, une lavallière rouge et un rouge à lèvre flamboyant qui révèlent encore plus sa féminité. Son caractère ou son vocabulaire viril qui ne peuvent cacher non plus sa féminité. Enfin son personnage de femme fatale qui attire les hommes inexorablement et pour qui les gens qu'elle emploie se feraient tuer.
Puis l'arrivée incongrue et tonitruante dans le saloon d'une troupe tout de noir vêtue, de retour d'un enterrement, menée par une femme, Emma, venimeuse, hurlante et pleine de haine, une Gorgone ! contre Vienna, le personnage de Joan Crawford placide, dominante, maîtresse de sa personne.

Le décor est planté. Je suis scotché.


La haine qui anime Emma (Mercedes McCambridge) est irrationnelle : c'est la haine de l'étrangère qui, en plus, revendique une liberté d'être. Mais la haine qui anime Emma est aussi rationnelle et rejoint celle de ses acolytes : l'arrivée de Vienna annonce l'arrivée du train, de bien d'autres gens, des colons, faisant perdre l'hégémonie de la société à laquelle appartient Emma.
Bien sûr, ça n'échappera à personne que cette rivalité peut être lue aussi comme un message anti-maccarthiste. Mais je n'insiste pas, l'essentiel ne me semble pas là.


"Johnny Guitare" est un vrai western classique : l'amateur y trouve son compte entre Monument Valley, le saloon, la justice expéditive avec les lynchages, les attaques de banque et le cow-boy solitaire qui arrive de nulle part et s'interpose, la mine d'argent et la crainte d'avoir à partager la terre avec des fermiers, la bagarre entre Sterling Hayden et Ernest Borgnine (qu'on ne voit que partiellement mais dont on entend les coups puisque une caméra reste dans le saloon)


"Johnny Guitare" est surtout un western romantique : d'abord les chassé-croisé amoureux entre Joan Crawford et au moins trois hommes (Kid, Turkey et Johnny) sans compter les amoureux muets (Carradine) ainsi que le dépit amoureux de Emma vis-à-vis d'un des hommes (Kid). Surtout, la renaissance d'un amour que Vienna avait voulu oublier concernant Johnny Guitar avec la sublime scène entre Joan Crawford et Sterling Hayden : Dis-moi un mensonge. Dis-moi que toutes ces années tu m'as attendu.
De même que les belles scènes où les deux personnages traversent la rivière ou encore le rideau d'eau telle une douche purificatrice vers un meilleur avenir ou encore les deux sur fond de soleil couchant. Etc, etc.
Mais je reste admiratif devant la magnifique scène où Vienna, dans une robe blanche et lumineuse, joue une ballade au piano, face à la robe noire et austère d'Emma.


Un regret : le générique de fin est tronqué sur mon DVD me privant de plus de la moitié de la somptueuse chanson et voix de Peggy Lee


Johnny Guitare est un film qui fourmille de détails, d'images toutes magnifiques qu'il serait bien trop long de citer et qu'on ne se lasse pas de déguster à chaque visionnage. Dans ma collection, c'est un western magique et majeur.

JeanG55
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le 12 oct. 2021

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