Ah que Johnny Guitar c'est un film à part dans le paysage du Far West ! Ah qu'il est souvent adulé par les spécialistes ou controversé par d'autres spécialistes. M'enfin quoi qu'il en soit, ce film a le mérite d'être un western de ce qu'il y a de plus original.


Dans les films de Nicholas Ray prédomine souvent un côté tragique et une absence de suspens. On connaît la trajectoire des personnages dès le début, comme dans une tragédie grecque. D'ailleurs, la première grande scène dans le fameux saloon est un modèle de réussite. L'arrivée silencieuse de notre pèlerin avec son banjo, l’apparition de la propriétaire Vienna, l'entrée des autres habitants hargneux qui menacent la tenancière de coopération criminelle, et l'apparition de ces présumés bandits, on ne peut qu'être admiratif.


Vienna est accusée, sans doute à tord, d'avoir causé la mort du frère d'Emma, grosse garce avide de pépètes et riche de mauvaise foi. Elle convainc sans la moindre preuve, que Vienna se doit de quitter la ville sous 24h pour le bien de tous. Et surtout, pour se procurer l'établissement qui vaudra une fortune une fois que les chemins de fer passeront à côté.


Ce qui rend ce film presque unique en son genre, c'est qu'on est pas loin d'un western féministe. Ici, le personnage sur le devant de la scène n'est pas seulement Johnny, c'est même surtout Vienna. Femme forte, indépendante et fière. Nous suivons une confrontation essentiellement féminine où les hommes sont à leur côté. Tout comme dans "La Fureur de Vivre", nous découvrons des personnages un poil caricaturaux mais toujours intéressants. Avec cette femme interprétée par Joan Crawford, qui n'a aucun lien avec le grand artiste Billy, une femme détruite, salie, pour parvenir à être ce qu'elle est aujourd'hui, et être persécutée au final.


Mais il y a surtout Johnny Guitar. Un cow-boy comme on en voit peu, qui préfère la guitare à l'harmonica, et qu'est mal armé comme Stéphane, parce que ne porte des flingues que très rarement, par éducation. Bien loin des courageux traditionnels, Johnny est une gonzesse passive, témoin du meurtre du frère d'Emma mais qui n'a pas agit, et se trouve de fausses excuses. Un héros qui fera son premier affrontement majoritairement en hors-champs, pour montrer son pacifisme, et qu'il intervient que s'il n'est obligé. Mais c'est un héros, donc il gagne toujours ou presque. Un tocard délicat qui se dit être un homme n'ayant seulement besoin de cigarettes et de café. Mais s'il est revenu en ces lieux, c'est qu'il lui manque sans doute l'amour d'une femme pour un bonheur parfait, pour un récit romancé étonnement excellent.


Comme au début, on devine que l'histoire se finira sur une énième mauvaise foi d'Emma, faisant affronter nos deux protagonistes, seuls contre tous, avec l'amour et la sincérité comme unique arme dont Vienna s'est promit. Mais l'homme à la guitare, n'est pas de cet avis, et c'est tant mieux, car un western sans baston, c'est un peu comme un chocolat chaud, sans chocolat. Ça n'a aucun sens.


Nicholas Ray nous livre un western qui mélange action et romance, ne délaissant pas la moindre once d'émotion. Putain quelle injustice, quelle grosse salope cette Emma. Le côté prévisible n'est pas dérangeant grâce au traitement original du réalisateur, on regrettera par contre une fin qui traîne en longueur avec des facilités grossières sur la pendaison ou la cachette de Dancing Kid qui est aussi efficace qu'un éclair sur un Grolem.


Mais les baisers mouillés, c'est quand même trop mignon.

Alex-La-Biche
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le 18 janv. 2015

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Alex La Biche

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