Le pitch d'un film pareil ne laisse évidemment pas de marbre, une oeuvre traitant des jeunesses hitlériennes en les tournant en auto-dérision et en mettant carrément en scène le personnage d'Hitler en la personne du réalisateur et scénariste, Taika Waititi. Alors, Chef d'oeuvre ou gros Flop? Et bien aucun des deux, Jojo Rabbit se situe dans ce genre d'oeuvre maitrisée et assez intelligente pour nous tenir en haleine sans pour autant rester inoubliable. On décortique ensemble.


Il est intéressant de noter que Jojo Rabbit est sorti deux semaines après l'incroyable 1917 de Sam Mendes, deux films donc qui traitent la guerre et son absurdité mais d'une manière totalement contraire. En effet, si 1917, tourné en plan-séquence, nous fait suivre en temps réel les personnages à travers les tranchées, c'est pour mieux montrer l'angoisse et la terreur inhérente aux champs de bataille. L'approche mise sur le réalisme de l'expérience tandis que pour Jojo Rabbit, Taika Waititi fait entrer l'imaginaire dans le réel. Jojo possède un ami imaginaire en la personne d'Hitler, représentant clairement son embrigadement, et pendant tout le film, tout est exagéré, exacerbé, multipliant l'absurde et l'auto-dérision pour souligner l'absurdité d'une philosophie. De plus, il y a vraiment cette impression de bulle hors du temps dans Jojo Rabbit, le monde semble n'être composé que de ce petit village et la situation des personnages a l'air condamnée, établie pour l'éternité. Néanmoins, une partie de 1917 partage aussi l'intelligent choix de montrer plus les conséquences que la guerre elle-même, permettant aux spectateur de se mettre à la place de témoin et en même temps d'acteur. Enfin, ces deux long-métrages ne partagent pas la même morale. La où l'on aurait un continuel recommencement avec 1927 et une douce éphémère qu'est la pause entre deux batailles, Jojo Rabbit préfère miser sur l'espoir et sur un humanisme idéalisé assez touchant.


Il est important de relever que Taika Waititi a beaucoup appris depuis Thor Ragnarok, son dernier film, et a su gommer les défauts qui avaient entachés sont oeuvre précédente. En effet, je parle du ton général de l'oeuvre et de l'équilibre entre humour et drame. La où Thor enchainait les blagues et les gags tout en perdant la puissance de ses enjeux car l'action était constamment dédramatiser, Jojo Rabbit arrive au contraire à allier les deux avec une force et une finesse remarquable. Certes, l'humour est bien moins présent que ce que laissait augurer la bande annonce mais l'équilibre est cette fois complet. Les personnages sont tous passionnants à suivre (Mention spéciale au personnage de Scarlett Johansson, fabuleuse et pétillante) et le récit initiatique de Jojo reste toujours cohérent et amusant. Ses idéaux sont détournés peu à peu, l'évolution reste constamment crédible. On retrouve également un peu de poésie émergeant de petites choses anodines du quotidien (refaire les lacets) comme le faisait si bien le néoréalisme italien. D'ailleurs, rien que le postulat de traiter d'une innocence perdue, de mettre en scène des enfants "adultes" dans un monde de guerre rappelle beaucoup ce mouvement cinématographique. Il est toutefois dommage que certains personnages ne restent que des ébauches, n'ayant pas de véritables place dans le récit (les adjuvants Nazis). Taika Waititi arrive à se rattraper en livrant des scènes à la fois touchantes et cruelles ou une séquence bourrée de tension où l'on pourrait presque entendre les battements de coeur de Jojo.


Ainsi, je vous conseille d'aller voir Jojo Rabbit, véritable trip acidulé au milieu d'un genre calibré, déjà énormément traité. Il faut croire que 2020 sera l'année innovante pour les films de guerre avec deux long-métrages partageant certains points communs, traitant à leur manière le sujet et ayant (presque) le même impact sur le spectateur. Il est en tout cas certains qu'il faudra suivre Taika Waititi, dont l'univers décalé et absurde mêlé à une mise en scène inspirée et délirante donne une combinaison prometteuse et toujours efficace !

Sinar1107
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le 1 févr. 2020

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