Après sa récompense du Lion d’Or à Venise début septembre, le « Joker » de Todd Phillips rencontre un très grand succès aussi bien public que critique.
Le long métrage a pour ambition de redonner ses lettres de noblesses aux « comic-books movies » et ainsi de s’écarter de la formule en vogue à l’heure actuelle au tons particulièrement légers qu’ils soient estampillés DC et surtout Marvel Studios.
En s’intéressant à la figure du Joker et en plaçant son film comme un descendant direct du cinéma des années 70-80, la volonté de proposer quelque chose d’inhabituel et ayant un véritable propos social est en tout cas des plus manifestes.
C’est Phillips lui-même plus habitué a tourner des comédies plutôt limitées (Very Bad Trip, Date Limite…) qui aurait eu l’idée d’un film centré sur le personnage du Joker.
Et c’est donc celui-ci après avoir proposé l’idée à Warner qui se chargera de le réaliser.


Le personnage du Joker, n’est en soi qu’une accroche, presque un prétexte pour refaire un cinéma qui ne se fait plus ou beaucoup moins aujourd’hui dans le cinéma grand public : Une étude sombre d’un personnage de marginal et de la société l’entourant.
Le film se déroulant au début des années 1980 dans un univers à vocation « réaliste » suit la lente descente aux enfers d’Arthur Fleck – handicapé psychique et aspirant comédien de stand up vivant avec sa mère. Jusqu’à ce que celui-ci devienne finalement le Joker, le plus célèbre antagoniste de Batman.


Si la note d’intention est tout à fait louable et l’existence du film même mérite d’être saluée, son exécution n’est malheureusement à la hauteur des attentes malgré des qualités évidentes.
Ainsi si le film jouit d’une photographie bien plus ambitieuse et adéquate à son propos et plus personnelle que la très grande majorité des films du genre.
Aussi son acteur principal Joaquin Phoenix semble avoir pris à cœur ce projet et s’y être impliqué fortement.
En plus de ce que lui a probablement demandé le réalisateur à savoir une performance physique visible, l’acteur propose quelques idées très intéressantes pour nous faire comprendre la détresse ou bien l’euphorie de Fleck. Que ce soit des gestes mimant subrepticement un suicide ou lors des quelques danses dans les escaliers lors de moments d’euphories. Hélas Phillips ne nous laisse pas profiter le plus souvent des inventions de son acteur et préfère couper très vite pour nous replonger dans ce qui est prévu au scénario.
Autre point positif en ce qui concerne la musique composée par l’islandaise Hildur Guðnadóttir : Le choix de violons pour accompagner la chute du personnage s’avère judicieux et quelques morceaux restent même plutôt en tête (Call Me Joker), ce qui n’était plus arrivé depuis bien longtemps pour ma part dans un film DC, voire dans un film adapté de comics.


Les véritables problèmes de Joker se situent ailleurs, dans son scénario et son propos vite limité ou facile ou dans sa mise en scène la plupart du temps.
Lesquels pâtissent de véritables lourdeurs qu’elles soient de sur explications quant au calvaire vécu par Arthur. La barque de sa condition sociale a peut-être été trop chargée ou trop vite, si tant est que très vite le film patine et semble ne plus savoir quoi raconter de plus. Et de ne s’intéresser pendant un long moment plus qu’a une seule chose, les origines d’Arthur.
Car oui en plus d’être un handicapé devant expliquer son trouble atypique à chacun, d’être un dépressif dont les crédits de soins psychologiques ont été coupés, Fleck fut un enfant battu et adopté, ne connaissant pas son véritable père et présumant que celui-ci est Thomas Wayne.
Là c’est sûr que question noirceur, c’est assez conséquent et volontariste.
Certes le propos global de l’œuvre se focalise sur le délitement social de la ville de Gotham et les conditions de vie très difficiles qui amèneront le héros à son destin de criminel, mais quand la caméra insiste sur Phoenix à terre, battu par ce qui s’avérera des employés de Wayne, cela semble clairement redondant et manquer quelque peu de finesse.


Le traitement fait de la colère du peuple de Gotham est peut-être plus gênant encore.
Ou plutôt son absence de traitement pendant la majeure partie du film.
La colère des habitants de la ville qui peut sembler légitime si l’on considère la façon dont semble géré la ville, est écartée de la plupart du métrage.
La foule ne revenant en effet qu’en toute fin célébrant le Joker après ses actes criminels dans un troisième semblant raccordé maladroitement avec le reste.
Cela fonctionne dans l’optique de la quête de reconnaissance mais semble avant tout très facile car pas préparé auparavant, renvoyant de plus une image de la population pour le moins étrange.


Il est par ailleurs dommage que le film ne prenne pas la peine d’actualiser son propos a notre époque, est ce par crainte d’être trop frontal et de cliver encore plus qu’il ne le fait.
Ou bien est-ce une résultante de ses hommages plus qu’appuyés aux films de Scorsese (Taxi Driver ou La Valse des Pantins) ou au Lumet de Network ou Un Après Midi de Chien.
Si ces films ont su marquer leurs époques c’est qu’ils tentaient d’en saisir l’essence, ce que Joker ne fait que de loin avec la notre malheureusement, car étant trop occuper à admirer et recopier au plus près ses illustres aînés.


En définitive Joker n’est pas un mauvais film mais semblait être tellement meilleur que ce qu’il est que la déception est là.
Certaines scènes de tensions fonctionnement bien sûr plutôt très bien mais le surlignage permanent de son propos, lui-même tournant rapidement en rond ou certaines contradictions dans les idées développées n’en font pas plus qu’une tentative certes a saluer mais pas des plus mémorables.

Martial_Le_Sommer
5

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le 16 oct. 2019

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