"Le Joker" devient "Joker"

Pour vous faire comprendre pourquoi ce film est à voir et que je le classe dans ma liste de chef-d'oeuvre, il faut que je vous explique comment j'ai vu ce film. En cet après-midi, je pensais que dans le cinéma de ma petite ville, pour la séance de 15 h un mercredi, il y aurait moins de 10 personnes dans la salle mais oh surprise, il y avait près de 15 personnes. 3 jeunes qui venaient voir un film "Batman", quelques curieux qui ont été attirés par les bandes annonces et surtout 6 ou 7 membres de l'association du cinéma de ma ville, qui voulaient voir le film primé à la "mostra".
L'ambiance d'un film est importante mais l'ambiance de la salle du cinéma l'est tout autant car pendant tout le film, il y a eu quelques moments de gênes, des rires crispés et surtout de longs blancs certainement dû à un manque d'action et d'intérêt de notre part.
Je partageais partiellement ce sentiment c'est à dire que je n'arrivais pas à me prononcer sur ce long métrage, des longueurs qui installent une ambiance pour obtenir une forme d'empathie envers "Arthur Fleck" alias "Joker" avec des rebondissements tellement téléphonés que les différents twists ne fonctionnent pas et un classicisme dans la mise en scène qui n'apporte pas plus qu'un autre yesman d'Hollywood. Donc j'étais mitigé sur la fin du film jusqu'à, la réflexion d'un membre de l'association qui s'exclame : "quel pamphlet anti-trump ! Et Joaquin Phoenix quel acteur !"
J'ai voulu immédiatement leur dire : "vous vous trompez, ce film ne raconte pas ça. Le Joker l'a clairement dit qu'il ne faisait pas de politique". Mais je me retiens et ma réaction a déclenché en moi, une hilarité digne d'un "Joker" satisfait de ses exactions. Je me retenais de rire aux éclats et pouffais dans mon fauteuil car une phrase de ce psychopathe me revenais : "J'ai toujours pensé que ma vie était un drame mais c'est une comédie".
En fait, les gens vivent dans une comédie, il interprète un rôle, certes eux-même mais c'est un rôle quand même et surtout en société. Et tout le long du film, il y a des personnages qui joue double-jeu.

Mais j'allais à mon tour jouer mon rôle dans la comédie et c'est là que le film m'a submergé, quand j'ai compris que ces personnes qui n'avaient sans doute jamais eu connaissance de ce personnage qu'est "Joker" essaient de comprendre le film qu'est "Joker". Pour eux c'est un bon film, ce qui est vrai pour moi aussi mais pas pour les mêmes raisons. Ils y ont vu un pamphlet, moi aussi. Ils y ont vu de bons acteurs et surtout Joaquin Phoenix, moi aussi. ils y ont vu un superbe travail de décors et de mise en scène, moi aussi. Ils y ont vu une réalisation classique et efficace, moi aussi. Mais pour chacun des points que j'ai énoncé, le fan de bande-dessinée et pop-culture que je suis, ne pourra pas être du même avis qu'eux sur ce film.
Car "Joker", c'est à la fois une compilation et une œuvre indépendante de plus de 80 ans d'histoire de pop-culture.
Oui c'est un pamphlet mais pas anti-trump, mais anti-système, car le "Joker" ou "Joker" est avant tout l'anti-thèse de "Batman" qui protège le système en place alors que lui est l'agent du chaos.
Oui c'est bien interprété, mais pas parce que Joaquin Phoenix est un superbe acteur mais parce qu'il y a eu de très bon acteur avant lui qui ont réussit à s'approprier le personnage et qui grâce à ça lui a éviter de nous servir un ersatz de « Joker » comme la réinterprétation de Jared Leto. En cela c'est un grand acteur. Et il faut dire que les autres acteurs sont très biens aussi.
Oui c'est superbe, les décors et la mise en scène sont superbes. Mais pas parce que les équipes ont travaillé d'arrache pieds mais parce que ça fait 80 ans que pleins d'artistes de talents ont décrits cette ville malsaine et étouffante qu'est Gotham et que ça renvoie à un imaginaire connu de tous.
Et oui c'est bien réalisé, classique mais efficace mais pas parce que Todd Phillips est le meilleur réalisateur du monde mais parce qu'il a compris que le plus important quand on veut raconter une origin story comme celle-là, il faut connaître le personnage et que le plus important n'est pas le personnage mais ce qu'il apporte au monde qu'il l'entoure.
Dans l'univers de "DC comics", le « Joker » est connu pour être un des seuls personnages à savoir qu'il est un personnage et qu'il n'existe que parce qu'il est un personnage. Il fait des choses atroces et il sait qu'elles ont pas de conséquences réelles et qu'elles n'influent que sur les décisions des autres personnages. D'où, la légèreté des ses propos ou l'incohérence de son attitude par moment. Il n'est pas fou, il a juste compris qu'il est dans un film.
Et c'est comme ce que j'ai ressenti à la fin, ce n'était pas la folie, mais quoi que je fasse, peu importe les arguments que j'apporte, peu importe la passion que s'exprime pour développer mon propos, peu importe mon envie de faire découvrir d'autre œuvre lié au « Joker », la plupart des gens passeront à côté du message que j'y vois. Ils rechercheront une explications à la débauche de violence ou à des comportements irrationnelles pour eux car ils n'ont pas compris que : « Ce n'est pas un drame, mais une comédie ».