Quand deux grands réalisateurs s'allient mais que la symbiose ne s'opère pas...

(Critique à chaud)


Après l'épique 1er volet de Journey to the West, dirigé de main de maître par Stephen Chow, les regards se sont instantanément tournés vers sa suite à laquelle s'est vue associer 2 grands noms du cinéma chinois: Stephen Chow à l'écriture et Tsui Hark à la réalisation. Hein? Quoi? Vous ne connaissez pas les bonhommes? Bon, ben, à l'échelle du cinéma de Hong Kong, on pourrait comparer ça à une collaboration entre Steven Spielberg et Peter Jackson ou Hideo Kojima et Guillermo Del Toro. Sans même savoir de quoi ça parle, ça met l'eau à la bouche... Mais voyons de quoi il en retourne vraiment.


( À noter que je ne présenterai pas à nouveau Stephen Chow et sa filmographie puisque je l'avais déjà fait dans ma critique de The Mermaid et mon Top des meilleurs films de Stephen Chow... De ce fait, rentrons donc directement dans le vif du sujet, à savoir: que vaut Journey to the West: The demons Strike Back? )


La première chose qui est frappante, c'est que l'ombre de Stephen Chow plane indéniablement sur toutes les étapes du projet.


L'homme officie officiellement au scénario mais on ressent incontestablement qu'il ne s'est pas contenté de pondre un script et de passer la patate chaude à son compère. Les dialogues, le storyboard, la direction artistique, TOUT transpire son style. Et en lisant ce qui va suivre, vous allez comprendre que ça n'est pas nécessairement un point fort...


Tsui Hark suit les ordres à la lettre en "singeant" (un comble pour un film narrant le parcours initiatique du roi singe) le style du 1er réalisateur pour ne retrouver qu'un peu de liberté dans les scènes d'action (parfois un peu brouillonnes ou, en tout cas, manquant de lisibilité et de fignolage... Mais cela ne choquera pas les habitués des films de Tsui Hark)...
Scènes d'action à échelle divine (comprenez démesurées) qui ont probablement effrayé Chow et l'ont motivé à chercher un tiers pour gérer le projet... Je m'explique: en plus de vouloir se concentrer sur son film The mermaid, je pense sincèrement - spéculation totale - que l'acteur/réalisateur ne s'est pas senti capable de réaliser de telles scènes, s'étant jusqu'à présent cantonné à des combats à échelle humaine. Il a donc appelé un "spécialiste" en la matière pour faire ce qu'il avait en tête... Dans les grandes lignes en tout cas..


Point noir que l'on est forcé de constater, le cast originel saute (POURQUOI?!)... Et ça, même si l'histoire poursuit sa route et que la patte artistique reste globalement similaire, niveau continuité, c'est moyen... Si vous enchaînez les 2 films en une soirée, ben ça fait un peu saga au rabais dès lors que l'on s'aperçoit que personne n'a repris son rôle... Imaginez Les 2 tours sans avoir le moindre acteur de la communauté de l'anneau qui rempile...
Même le design du roi Singe a été entièrement revu, et pas nécessairement en bien... Le chimpanzé du 1er film, petit être trapus de 1m60 à tout casser grimé de prothèses et de maquillage et à première vue sympathique et inoffensif a ici été abandonné pour un homme simiesque de 1m80 aux allures de lycanthrope menaçant (quand il est entièrement en CGI) et se tenant bien droit... L'animal farceur de Chow n'est plus là... Personnage en images (partiellement ou totalement) de synthèse ou non, ça reste un membre du cast qui a lui aussi été poussé vers la sortie...


Pour ne rien arranger, le cast sélectionné (probablement) par Tsui Hark est beaucoup moins pertinent, plus anecdotique (donc moins mémorable) que celui de Chow (je pense tout particulièrement au rôle principal du moine) et la direction des acteurs n'est clairement pas la même... Encore une fois, on ressent le storyboard et le découpage du réalisateur de Shaolin Soccer, mais la direction des acteurs et la mise en scène ne correspondent pas... Le spectateur reste du coup sur sa faim. Les temps de silence sur des têtes d'ahuris pour marquer un malaise ou une situation burlesque, les grimaces de douleur, toutes ces codes caractéristiques de la comédie de HK ne sont ici pas PARFAITEMENT maîtrisés... Pas parce que Tsui Hark est un mauvais réalisateur mais tout simplement parce que ce n'est pas son style de prédilection...


Enfin, fait + anecdotique, on remarquera le choix plutôt étonnant de reprendre pas mal d'extraits du 1er film pour appuyer le propos alors qu'ils n'étaient pas vraiment indispensables... En tout cas, dans une production occidentale, on s'en serait passé, clairement, ça fait très direct to DVD...


Bilan: Une déception qui n'est clairement pas du même niveau que le 1er film, mais les amateurs de films de Hong Kong passeront tout de même un moment plutôt sympathique en y jetant un oeil. La vision du projet par les 2 réalisateurs n'était de toute évidence pas la même, l'un voulant + s'articuler sur l'histoire et la comédie, l'autre + sur l'action pure et dure. Le résultat sent la concession des 2 partis... Et l'eau tiède ne fait malheureusement pas un film mémorable... On remarquera aussi que la fin tombe un peu comme un cheveu sur la soupe... On simplifie l'intrigue pour économiser 30mn "de pellicule" et d'explications... Oui, je sais, ça ne fait pas un pli que le film a été tourné en numérique, du calme, c'est juste une métaphore!


Bref, dommage...
Stephen Chow aurait dû faire le film tout seul, c'était la bonne occasion pour lui d'évacuer sa frustration du projet DragonBall Evolution qu'il doit garder depuis un moment sur l'estomac (+ de détails encore une fois dans ma critique de The Mermaid) et il n'aurait ainsi pas eu à demander à Tsui Hark de jouer les copycats...
On est un peu dans le même cas de figure que "Poltergeist" dont on ne sait pas si l'on doit en attribuer la paternité à Spielberg ou à Tobe Hooper (dans une moindre mesure, parce que je ne pense pas non plus que Chow venait sur le plateau prendre toutes les décisions et tourner des scènes quand Tsui Hark n'était pas là)...


Je ne sais pas si un 3ème film est prévu, mais si c'est le cas, j'espère franchement que Chow reprendra les rênes du projet et qu'il sera seul aux commandes... Ça serait un sacré pétard mouillé de faire une trilogie dont seul le 1er film est VRAIMENT à retenir... En +, il tient plutôt bien la route en Stand Alone, donc il serait aisé d'occulter les autres...

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le 24 juin 2017

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AldoFdnc

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