Deus Ex Machina World

Le premier Jurassic World m’avait particulièrement refroidit à sa sortie. Étant fan de la saga, et pas uniquement du premier film mais bien des trois à différentes échelles, j’attendais le nouveau volet en 2015 avec excitation et insouciance. La douche froide. Est-ce lié à un côté pisse-froid ou serait-ce davantage lié aux incalculables défauts du film, avec comme point d’orgue, la dénaturalisation de la franchise ? Après une telle déception, je ne pouvais pas attendre le dernier film de 2018 avec une profonde envie. Néanmoins, les bandes annonces annonçaient des éléments nouveaux (dont certains se sont confirmés) et un petit making of montrait la nouvelle direction choisie par Bayona. J’étais donc un minimum intéressé et le résultat final est finalement assez attendu : c’est mieux que le premier, mais pas tant que ça. Avant de rentrer sur les points positifs et négatifs, un classique dans mes critiques, un petit avis sur la direction artistique et visuelle : on a une vraie continuité entre les Jurassic World. Nous ne sommes pas le moins du monde dépaysé par ce second volet. Sans juger du bien ou du mal de ce ressenti, rentrons dans le vif du débat.

Tout d’abord, ce film possède pas mal de qualités, dont certaines que j’attendais vraiment. On utilise enfin de nouveau des maquettes animatronic, qui font réelles et qui donnent de la profondeur aux dinosaures. Sur le précédent volet, je n’avais pas l’impression que c’était réel, j’ai eu un sentiment d’immersion bien plus fort dans Ready Player One. Et je ne prends pas cet exemple au hasard car j’ai trouvé que le premier volet faisait jeux-vidéo, limite cartoon par moments. Le travail d’immersion est essentiel dans les Jurassic Park, dans les trois premiers il y avait un vrai travail sur la tension et sur la peur que l’on peut avoir pour les personnages. Ici, dans ce Fallen Kingdom, il y a clairement du mieux. Visuellement on a aussi un univers plus travaillé et une réalisation plus efficace. Il y a de super scènes par ailleurs, notamment celle bien visible dans la bande-annonce où deux de nos héros se retrouvent dans la cage avec le tyrannosaure. La tension est très bien menée et on s’y croirait vraiment : voilà du Jurassic Park différemment tourné, à mon sens. Enfin, pour rester sur les points positifs, la fin est osée. Elle est totalement différente des autres volets, et ça apporte de la fraîcheur. J’ai quand même envie de savoir ce qu’il va se passer.

Concernant les points moins reluisants, il y en a pléthore, notamment certains communs au premier Jurassic World. Les personnages sont toujours lisses et pas très intéressants. Out les deux gamins insupportables du premier volet, ici les nouveaux sont déjà plus sympathiques et nuancés. Sans être des allégories de la nuance, ils offrent quelques surprises et retournements. Bon, pas de changement sur le caricatural de certains personnages ou situations, on ne doit pas vivre dans le même monde.

Hollywood nous a déjà offert mieux en traitement de personnage, même si on progresse. Ensuite, comme j’ai pu le mettre en évidence de façon indirecte plus en amont, il est difficile de se sentir dans un Jurassic Park. L’ambiance est totalement différente, c’est un parti pris évident, mais cela va au-delà de la direction artistique. Les personnages ne sonnent pas pareil, le monde a l’air d’avoir changé et cela me pose un problème. C’est difficile de mettre des mots sur ce ressenti mais je vois clairement la coupure entre les deux mondes, c’est même pour cela que l’on peut parler de deux sagas différentes, comme le SDA et le Hobbit.

Le défaut le plus important reste selon moi l’accumulation de deus ex machina et de situations absurdes. C’est lié à mon sentiment de non-reconnaissance de l’univers Jurassic Park. On ne nous abreuvait pas de situations rocambolesques et surtout d’incohérences à foison de ce genre dans les trois premiers films. Les deus ex machina sont dorénavant partie-prenante de JW, nos personnages sont constamment sauvé par un événement extérieur miraculeux. Ça se joue toujours sur le fil du rasoir. Je veux bien que cela soit utilisé de temps en temps pour faire monter la tension et jouer sur le suspense mais quand cela est si répétitif, son sens est biaisé et on perd l’attachement que l’on ressent pour les personnages et l’intrigue. Une des plus grosses incohérences concerne la créature principale du film.

Il y aurait dix mille autres choses à dire mais une autre de taille me vient à l’esprit : faire du Tyrannosaure et du Vélociraptor les gentils de l’histoire me hérisse le poil, surtout pour ce dernier. Mis à part la scène de la cage, le seul rôle du T-Rex sera d’être le sauveur de service, le nouveau deus ex machina méga cheaté. J’ai vu mieux comme construction mythologique d’une créature de ce standing. Alors certes je préfère ne pas trop développer le problème du nouveau meilleur ami de l’homme, le vélociraptor, puisque cette difficulté remonte au premier film et je ne peux pas trop reprocher le fait de reprendre cette idée à moins de créer une énorme faille scénaristique et une énième incohérence. Mais quand même, cette idée fait plutôt mal et je n’en reviens toujours pas.

Jurassic World : Fallen Kindgom est un produit qui évite la trop grande facilité sans entrer dans une logique ultra-originale. Le film reprend beaucoup d’éléments des précédents volets, mais réussit à s’approprier de nouveaux éléments intéressants. La créature créée par les scientifiques du parc a une vraie explication et je préfère son développement à celui de l’Indominus. Néanmoins, on ne peut que regretter le manque d’âme de cette nouvelle franchise Jurassic World, qui passe pour le Jurassic Park du pauvre (tout en étant plus riche).