Life cannot be contained. Life breaks free. Life... finds a way.

Après un premier film qui entrait dans le moule du « remake/suite posant les bases d’une nouvelle trilogie », qui avait néanmoins quelques idées intéressantes (comme une critique à peine voilée de l’industrie de Hollywood de nos jours) ; on se retrouve donc avec une suite qui annonçait de gros changements dans l’univers même. Qu’en est-il au final ?


La première impression, c’est que le film embrasse enfin complètement le genre « film de monstre fantastique », faisant des dinosaures les véritables personnages et acteurs du films, tandis que les humains ne sont, au final, que des éléments du décors. La seconde impression, c’est qu’on reste dans les mêmes eaux que le précédent film (même si un poil en-dessous), c’est-à-dire qu’on n’est pas au niveau du désastre Jurassic Park III, mais plutôt autour du Monde Perdu : c’est divertissant, on passe quelques bons moments, mais ça reste très basique dans l’ensemble. D’ailleurs, tout comme le parallèle entre Jurassic World et Jurassic Park était facile, celui entre Fallen Kingdom et Le Monde Perdu est tout aussi aisé, même si moins flagrant. Voilà donc où situait le film par rapport aux autres, mais que vaut-il ?


Et bien il est globalement très inégal. Dans le sens où l’histoire même part sur un principe intéressant, voulant faire intervenir les questions de droits des animaux appliqués aux dinosaures. On retrouve l’idée de sauvetage, l’idée de leur offrir un havre de paix en mode réserve naturelle, on retrouve l’idée du vieux mécène qui se fait évincer par un jeune homme d’affaire égoïste… Mais voilà, au-delà de ça, on a une histoire complètement débile de bout en bout. Comme je l’ai dit, les humains sont des éléments du décors, mais du coup, suivre leurs péripéties n’a plus aucun sens, d’autant plus que c’est souvent écrit avec les pieds. Les personnages sont creux et souvent inutiles, avec mention spéciale pour le nouveau duo de la vétérinaire et de l’informaticien (que j’avais presque oublié à la moitié du film). Le militaire bourru con comme ses bottes, le commissaire-priseur limite pompeux en sont d’autres. Des personnages auxquels on ne s’attache pas, qui ne nous intéressent pas, et qui n’aide pas le duo de tête à sortir la tête du lot. Des relations superficielles, sans profondeurs, sans réels liens.


Je ne listerai pas la longue liste de débilités qui sort de ce film, mais parmi les plus marquantes on peut notamment citer


la transfusion sanguine (non pas que ça ne fonctionne pas, ce sont des reptiles donc ça se passe différemment chez eux ; mais bon, y’a des Tetanurae bien moins dangereux sur ce bateau), le duo comique qui n’arrivent pas à régler le problème du gaz mortel alors qu’il y a un gros bouton rouge « ouvrir les portes » ce qui aurait pu servir à évacuer le gaz, Owen qui court tranquille dans une coulée pyroclastique à 800°C, Claire qui ne se remet jamais en cause, l’homme d’affaire dont j’ai oublié le nom qui arrive même à désespérer Wu, ce qui en dit long, le colonel qui rentre dans la cage de l’Indoraptor…


Le truc, c’est qu’on voit venir la plupart des artifices du film (je reviendrai dessus plus tard), et la plupart sont classiques dans les films de monstres, voire même essentiel pour créer la tension. C’est juste que là, le contexte global les rend totalement stupides.


Ce qui donne au film un aspect pour le moins étrange. Étrange dans le sens où on a un film de monstre/horreur fantastique qui fonctionne plutôt bien ; mais de l’autre côté, on a un un film qui surfe constamment avec les séries B, voire le nanar total. On ne sait jamais s’il faut rire parce que c’est drôle, ou en pleurer tellement c’est désespérant. Et pourtant, c’est là que ça amène l’une des rares bonnes idées du film : le message qu’il porte. Jurassic World voulait dénoncer l’industrie Hollywoodienne et sa tendance à vouloir faire du grand spectacle au point de frôler l’overdose et d’en perdre le contrôle, et qu’on appelait donc les anciens à la rescousse. Fallen Kingdom semble avoir lui-aussi un message à transmettre : sa structure globale me fait fortement penser que le film cherche surtout à se moquer des suites des films de monstres/horreur fantastique, qui frisent justement souvent le nanar, et la volonté d’Hollywood de réutiliser les ingrédients du premier film


(ici, récolter l’ADN de l’Indominus et de Blue)


pour tenter de faire reprendre la sauce, en se plantant royalement et détruisant donc l’univers lui-même


(les dinosaures qui s’échappent dans la nature)


. Et c’est pour ça que pendant tout le film, je ne savais pas sur quel pied danser. Car tantôt on a l’impression que le film se moque justement des nanars, et tantôt le film est un véritable nanar. Donc véritable bonne idée ou non ?


L’autre idée que j’ai trouvé intéressante, c’est dans le personnage de Maisie, et par extension le personnage de Lockwood.


Car tous deux apportent une thématique qui n’avait pas encore été abordée de front dans l’univers Jurassic Park, mais qui est tout à fait logique dans un univers où on a ramené les dinosaures non-aviens à la vie : le clonage humain. Et pourtant, si c’est la seule bonne idée du scénario, le film l’utilise tellement pauvrement qu’il réussit presque à la désamorcer. J’entends par là que l’idée que Maisie soit une clone est présent assez vite dans le film, mais ne sera confirmée que lorsqu’elle s’en rend compte. À partir de là, c’est une évidence, et c’est intéressant parce que Maisie devient du coup un « monstre » à son tour, et donc un personnage du film.


Et pourquoi je trouve cette idée intéressante ?


Parce qu’elle met en avant le désaccord entre Lockwood et Hammond qu’on nous agite sous le nez depuis le début du film, mais surtout c’est qu’elle donne une toute nouvelle dimension au personnage d’Hammond.


On se souvient tous de cette scène dans le premier film, où Ian Malcolm accuse Hammond de vouloir utiliser la génétique aveuglément sans se soucier des conséquences. Et là, on réalise que non, qu’au contraire, Hammond avait posé une limite, que pour lui, cette technologie est là pour le divertissement, pas pour soigner les blessures personnelles, pas pour jouer avec la vie humaine. Cela donne une toute nouvelle dimension à cette discussion, et on comprend qu’Hammond n’avait jamais envisagé jouer avec des vies humaines.


Ce qui est cohérent et renforce l’évolution de son personnage au cours du film, et dans le second.


Le problème, c’est que son évolution sera mal gérée,


et surtout on va avoir l’autre boulet de tuteur/homme d’affaire/méchant foireux qui enfonce le clou en disant « hé, vous voyez, c’est une clone, hein, vous voyez ! », ce qui n’apporte rien. C’est juste en trop, c’est inutile. La prise de conscience de Maisie et la relation qui s’établit entre elle et l’Indoraptor est suffisante.


Du coup voilà, une histoire très bancale, bien qu’on ait deux actes bien distincts. Des humains foireux et ennuyeux, tandis que les dinosaures sont les véritables personnages du film, et une Rexie qui devient le dino ex machina de l’univers, au point de devenir un running gag.


Sur le casting, je ne vais pas m’étendre, car c’est le désert total. Chris Pratt ne réussit pas à sauver son personnage malgré sa bonne volonté, Bryce Dallas Howard n’amène rien d’autre que son joli minois, et le reste n’est que déception. Même pour l’immense James Cromwell, que j’adore, qui est pratiquement invisible. Et du coup, du point de vue technique, le film est plutôt correct. La musique de Giacchino reste dans la lignée du précédent film, s’adaptant plutôt bien à l’ambiance mais sans vraiment d’originalité. Les effets spéciaux sont impressionnants, une nouvelle fois, notamment pour la modélisation des dinosaures, que ce soit pour les CGI ou les animatroniques (et franchement, parfois, c’est très difficile de voir la différence). Les décors restent dans l’ensemble très corrects, notamment le manoir qui sort tout droit d’un film d’horreur des années 50-60. Ce qui m’amène au point que j’ai particulièrement apprécié dans ce film : la mise en scène.


Alors attention, rien de révolutionnaire à ce niveau, mais le film regorge de tellement d’idées à ce niveau, que ça en fait sans doute le seul gros point positif du film. Et pourtant, là aussi, ce n’est que par épisode, surtout dans la première moitié. On sent que Bayona est capable d’un coup d’éclat avec peu de moyens. Je pense par exemple à l’arrivée du Baryonyx dans le tunnel, teasé dans les bandes-annonces, mais qui dans le film fonctionne à merveille. On le voit venir, bien sûr (parce que film de monstre oblige), mais la silhouette qui se découpe avec la lumière de la lave. Dans la première partie, je pense également à la scène


avec la boule de verre sous l’eau, avec ce superbe plan-séquence en milieu confiné et une caméra fluide, dynamique, qui crée la tension, l’asphyxie même.


Et puis ce dernier plan de l’île, tellement chargé de symbolique :


ce brachiosaure qui tente de s’échapper, puis se faire rattraper par la fumée, et ou encore une fois on ne voit plus que l’ombre qui se découpe dans la fumée.


De manière général, l’utilisation de la lumière, des ombres, des silhouettes est un travail remarquable dans ce film, parfois très caricatural, mais très efficace.


Pourquoi cette scène du brachiosaure ? Mais parce que le premier dinosaure qu’on voit sur Isla Nublar, dans Jurassic Park, n’est autre qu’un brachiosaure,


et c’est donc tout symbolique que le dernier qu’on voie en soit un.


Mais la seconde partie du film n’est pas sans reste non plus. Bien au contraire. Certes, on a encore des scènes brouillonnes, inutiles, ennuyeuses. Et à côté, on a cette scène de l’intro de l’Indoraptor, presque un cas d’école de ce que l’icônisation d’un personnage signifie. Oui, c’est très classique (le contre-jour, la lumière clignotante projetant une ombre menaçante, le zoom jusqu’au visage), mais bon sang, qu’est-ce que c’est efficace ! Là on nous introduit l’antagoniste du film, là on nous fait frissonner et vibrer. Ou encore cette scène


de l’Indoraptor qui s’échappe : certes, le militaire est complètement con,


mais ce plan avec la silhouette qui se découpe sur une lumière blanche vive, ce plan où on voit cet enfoiré briser le quatrième mur et sourire à l'audience… C’est magnifique. Et puis il y a toute cette course-poursuite dans le manoir pendant le troisième acte. Des idées d’angle de vue, des petits plans-séquences, l’interaction avec les décors, la construction de la tension jusqu’au final… Mais surtout, surtout, cette putain d’ambiance. L’ambiance est juste magnifique. Pourquoi ? Parce que par quelques plans, quelques jeux de lumières, mêmes bien clichés, on se retrouve projeté dans un film qui renvoie directement à ses films de vampires/loup-garou des années 50-60, c’est justement un régal pour les yeux. Et puis surtout,


cette scène dans la chambre,


elle respire tellement Del Toro que ça en donne des frissons d’excitation.


Au final, Fallen Kingdom est donc un film bof-moyen, avec de bonnes idées mais qui pêche à de trop nombreuse reprise. Donc oui, sans doute le plus mauvais de la franchise à mon sens, après l’infame troisième film. Mais sans doute le plus intéressant depuis le premier film, que ce soit par ces quelques idées, mais surtout pour l’ambiance qu’il crée et ces idées de mise en scène qui apporte enfin une plus-value au film (et heureusement d’ailleurs).

vive_le_ciné
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le 30 juin 2018

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