Un homme et une femme nous font face, de part et d'autre de l'écran, séparés par une juge d'instruction vue de dos, masse informe et imposante marquant une frontière nette au centre du cadre. En un seul plan, très justement repris (en partie) pour l'affiche du film, Xavier Legrand résume la situation et pose son sujet. Un plan d'une impressionnante maîtrise, et qui ne renie aucunement le naturalisme caractérisant ce remarquable premier film.
Dès la magistrale scène d'introduction, tout est là, tout est dit. Par les paroles prononcées, bien sûr, mais également par la mise en scène, qui veille toujours à isoler les ex époux dans le cadre, qui capte la profonde détresse de la femme par des regards face caméra qui en disent long, et qui sème le doute sur le mari via des plan de trois quart ou de profil.


Car il en sera question, de doute, durant une bonne partie du film. La réalité exposée dans la scène d'exposition est purement judiciaire. Des faits rapportés par 2 avocates se substituant littéralement aux intéressés. Malgré le désir naturel d'être en faveur de la victime présumée, le spectateur se retrouve dans le même embarras que la juge, remarquablement humanisée par Saada Bentaïeb et par le regard que lui porte Xavier Legrand. Le doute est permis, les preuves manquent. La décision est rendue : le petit Julien devra passer un week-end sur deux avec son père malgré son refus catégorique et ses accusations de violences conjugales.


La question du divorce et de la garde alternée des enfants est loin d'être une nouveauté. Résumé ainsi, le sujet semble même terriblement éculé. Mais le traitement, lui, est assez inédit. Car malgré son réalisme proche du documentaire, Jusqu'à la garde est un véritable thriller. Un film sous haute tension traitant, en filigrane, des violences conjugales et familiale. Un thriller naturaliste où le simple bip d'une ceinture de sécurité peut vous clouer au siège (très gros travail sur le son d'une manière générale. Mention spéciale à la scène de l'ascenseur vers la fin). Un thriller qui, dans son dernier acte, ose même le virage vers le film de genre qui convoque le Shining de Kubrick, le surnaturel en moins.


Tout ceci ne serait rien sans de bons acteurs. Et justement, quel festival ! De Léa Drucker, qui sait tout dire en un regard, à Denis Ménochet, monstre d’ambiguïté capable de nous faire hésiter entre dégoût et tendresse, en passant par les plus petits rôles (les deux avocates du début, criantes de vérité) toute la partition signe un sans faute. Mais c'est surtout sur le jeune Thomas Gioria que les regards ahuris se braquent durant toute la séance. Sorti de nulle part, ce très jeune talent est assurément la plus grand révélation de ce film, avec son réalisateur, que l'on suivra avec attention.

nicolaslopez1
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 19 févr. 2018

Critique lue 283 fois

1 j'aime

nicolaslopez1

Écrit par

Critique lue 283 fois

1

D'autres avis sur Jusqu'à la garde

Jusqu'à la garde
blacktide
8

Dans le silence de la loi

Il est des premiers films qui marquent le cinéma par leur intensité. Des films qui vous happent par surprise. Pour le plaisir du geste, et pour l’émotion à l’impact. Jusqu’à la Garde n’est pas...

le 1 févr. 2018

84 j'aime

24

Jusqu'à la garde
Velvetman
8

Loveless

Par sa mise en scène dans laquelle l’image se fait froide et déstabilisante, Jusqu’à la Garde de Xavier Legrand se mue en un immense morceau de cinéma. Déroutant car complexe, le film se veut être...

le 7 févr. 2018

80 j'aime

7

Jusqu'à la garde
voiron
8

Critique de Jusqu'à la garde par voiron

Le couple Besson divorce et se bat pour la garde de leurs deux enfants. Ou plutôt pour celle du plus jeune, Julien, puisque sa soeur a bientôt dix huit ans.. Pour protéger son fils Julien d’un père...

le 18 févr. 2018

69 j'aime

13

Du même critique

Le 15h17 pour Paris
nicolaslopez1
3

Aller simple pour la retraite

Qu'est-ce qu'un héros ? Du moins, qu'est-ce qu'un héros américain ? Manifestement, cette question, qui semble fasciner Eastwood depuis plusieurs années, mérite d'être posée. Après American Sniper et...

le 8 févr. 2018

4 j'aime

GRIS
nicolaslopez1
5

GRIS... comme la couleur. T'as pigé ? Hein ?

C'était très beau, et très chiant. J'ai l'impression d'un jeu qui aurait pu n'être qu'un court-métrage d'animation, tant sa dimension ludique n'apporte pas grand chose. Et je parle pas de manque de...

le 7 déc. 2020

3 j'aime

Ruins
nicolaslopez1
8

Le lion rugit de nouveau

Si les sœurs Söderberg avaient marqué les esprits avec leur sublime Lion's Roar en 2012, leur retour avec Stay Gold en 2014, porté par le magistral My silver lining (dont on a pu faire une overdose à...

le 23 janv. 2018

2 j'aime