Tous les bouffeurs de VHS, les amateurs de pelloche 35 mm, les cinéphiles de France, de Navarre et du monde entier l’ont déjà fait au moins une fois dans la vie : se sortir les doigts des fesses, piquer la caméra Super 8 de tonton ou le caméscope familial, rameuter/faire chier (au choix) ses potes un jour de week-end alors qu’ils sont plongés dans leurs devoirs scolaires pour les inviter à jouer dans le super court-métrage amateur dont tu as passé une quasi nuit blanche à pondre le scénario, tentant de reconstituer avec force système D tout ce qui t’as fait kiffer dans les innombrables VHS que tu as loué au vidéo-club du coin.
C’est tout cela qu’a décidé de faire Sam Raimi, à l’âge de 19 ans, un beau jour de 1978, quelque part dans le Michigan. Le bonhomme réunit 1600 $, ses meilleurs potes Robert Tapert et Bruce Campbell, afin de mettre en boîte un court de 32 minutes, WITHIN THE WOODS, film d’horreur à base de cabane dans les bois et possession démoniaque, qui sera projeté grâce à un propriétaire du cinéma local d’être projeté en avant-programme de la déjà cultissime comédie musicale THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW. Les bons retours du public boostent la motivation de Raimi et son équipe, et la bande réussit à réunir la somme de 350 000 $ afin de tenter de rentrer dans la cour des grands avec le long-métrage THE EVIL DEAD. Véritable révolution dans le domaine du cinéma d’horreur des 80’s par ses scènes gore, sa mise en scène inventive et exubérante, et un Bruce Campbell investi corps et âme dans son rôle d’Ash Williams, candide au sein de forces démoniaques, le premier long-métrage du jeune réalisateur américain deviendra rapidement, de part ses projections dans les festivals du monde entier (même Cannes !) et un bouche-à-oreille grandissant, un des grands films d’horreur cultes de l’histoire du cinéma. Sam Raimi devient instantanément un des réalisateurs les plus prometteurs de sa génération ; son film engendrera deux séquelles, dont le chef-d’œuvre EVIL DEAD 2 en 1987, poussant plus loin dans la mise en scène virtuose et devenant aussi culte que son prédécesseur, et fera de Bruce Campbell un visage immédiatement reconnaissable du cinéma américain.


Sam Raimi gravit petit à petit les échelons au sein de la célébrité hollywoodienne, enchaînant les films dans plusieurs genres différents, que ce soit le film de super-héros avec DARKMAN, le western avec le mésestimé MORT OU VIF ou le polar avec UN PLAN SIMPLE, toujours avec une qualité constante dans la réalisation. En 2002, c’est la consécration mondiale : Hollywood lui apporte un piédestal avec la réalisation de SPIDER-MAN, adaptation longtemps attendue et espérée du super-héros de comics bien connu, et qui se transformera en une trilogie incroyablement lucrative. Alors que la production du troisième volet, sorti en 2007, lui échappe un peu, accouchant d’un long-métrage dont il n’est pas complètement satisfait, Raimi décide de revenir à ses premiers amours : l’horreur extravagante et un budget modeste.


Co-écrit avec son frère Ivan, DRAG ME TO HELL est en effet un véritable retour aux sources pour le réalisateur ; après avoir littéralement été débarqué du projet d’un éventuel SPIDER-MAN 4 qui aurait conclu la saga initiée en 2002, Raimi souhaite revenir à un budget beaucoup plus modeste afin de contrôler pleinement tous les aspects artistiques de son long-métrage. Et ne faisons pas durer le suspense plus longtemps : le résultat est un excellent film, une cure de jouvence pour le créateur de la saga EVIL DEAD et certainement l’une des meilleures productions dans le genre horrifique de ces dernières années.
Alors que les productions du style « found-footage » héritées de THE BLAIR WITCH PROJECT dominent le genre de l’horreur, ainsi que les remakes de classiques des années 1970 et 1980 tels LA COLLINE A DES YEUX, HALLOWEEN ou MASSACRE A LA TRONçONNEUSE, DRAG ME TO HELL propose une alternative bienvenue, s’inspirant des « Weird Tales », ces magazines publiés entre les années 1920 et 1950 proposant des nouvelles fantastiques et d’horreur. Avec cette histoire d’une employée de banque confrontée à une sorcière lui ayant jeté un sort maléfique après le refus d’un prêt bancaire, Sam Raimi propose officieusement son EVIL DEAD 4, tant sa protagoniste principale est mise à rude épreuve tel le mythique personnage d’Ash Williams incarné par Bruce Campbell.


Mise en scène inventive bourrée de cadrages extravagants évoquant le Raimi de la grande époque de EVIL DEAD 2, séquences mixant habilement effroi et humour noir, DRAG ME TO HELL est un festival réjouissant et une grande réussite du genre, porté par la présence d’Alison Lohman qui, sans forcément nous faire oublier Campbell, campe à merveille cette version féminine d’Ash. Cette dernière incarne une jeune femme de la campagne, désireuse de s’émanciper en ville après avoir souffert de nombreux maux des années auparavant, et qui va malheureusement sombrer dans la déchéance sociale, s’empêtrant dans les nombreuses péripéties provoquées par le sortilège de la sorcière pour avoir enfreint à ses règles morales et refusé un prêt à cette dernière, et ce afin de satisfaire sa direction.
Par ce personnage, Raimi ajoute une dimension sociale à son histoire et trimballe constamment son spectateur entre l’empathie de voir l’héroïne souffrir pour avoir désiré s’élever socialement et la satisfaction de la suivre dans sa punition de plus en plus horrible après avoir refusé d’aider cette vieille femme.


Alors que des producteurs mercantiles mettent au goût du jour les classiques tant aimés des fans de films d’horreur, il est bon de voir un metteur en scène aussi culte et en pleine possession de ses moyens que Sam Raimi nous proposer un roller-coaster comme il sait les concocter, culminant dans une séquence finale où l’horreur est à son comble. Si vous ne vous êtes pas toujours pas remis de l’annulation de la série « Ash Vs Evil Dead », nous privant (définitivement ?) du mythique Ash Williams, redonnez une chance à ce DRAG ME TO HELL un peu mésestimé chez les amateurs du genre.

HuriotDavid
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le 18 mai 2018

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David Huriot

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