Rebaptisé Kalidor dans nos contrées, pour mieux mettre en avant Arnold Schwarzenegger qui tient pourtant le second rôle principal, la bande-annonce et l’affiche de l’époque oublient complètement Brigitte Nielsen, véritable héroïne du film, alias Red Sonja.
Cette supercherie mercantile pour profiter de l’aura du chêne autrichien a pu créer quelques déceptions. Il ne s’agit pas d’un Conan 3, après le mythique Conan le barbare et le plus divertissant Conan le destructeur, même si on reste dans l’univers de l’Âge hyborien, crée par Robert E. Howard. Le personnage est d’ailleurs une réinterprétation de personnages du romancier, façonnée par Marvel et ses artistes Roy Thomas et Barry Windsor-Smith en 1973 et qui eut une longue carrière de papier (et à ce titre le film est parfois considéré comme l’un des premiers films Marvel). Ses aventures dessinées par le sensuel Frank Thorne ont d’ailleurs été réeditées récemment par Graph Zeppelin.
Red Sonja est une jeune guerrière, formée aux arts du combat, et qui ne s’en laisse pas conter. Après la mort de sa sœur, une prêtresse d’un culte qui protégeait une relique dotée d’un dangereux pouvoir, elle part récupérer ce talisman et prendre sa revanche sur la vilaine reine Gedren. Toutes deux se sont déjà croisées par le passé, laissant à chacune des stigmates de leur rencontre. Elles ne passeront pas leurs vacances ensemble.
Sur sa route, Sonia la rousse doit défaire les ennemis et pièges ourdis par la reine et ses représentants et tout obstacle sera balayé d’un coup d’épée. Elle n’a pas sa langue dans la poche, possède une assurance insolente bienvenue face à tous les barbares machistes qui pourraient la sous-estimer. Brigitte Nielsen qui découvre le cinéma avec ce premier rôle, dans tous les sens du terme, offre une prestation encore un peu maladroite, à qui il manque un peu d’intensité, de rage. Elle est pourtant tout de suite plus amusante quand fuse les mots d’esprits qui remettent les hommes à leur place, peut-être comme une revanche pour celle qui fut mannequin avant d’être nouvelle idole barbare. Les fans de comics (et un peu lubriques) regretteront tout de même que son célèbre bikini en cotte de maille soit troqué pour un ensemble plus commun.
Sur son chemin, elle croise le prince Tarn (Ernie Reyes) jeune garçon roi fantoche à qui elle apprendra l’humilité, et son serviteur dévoué et impassible mais au grand coeur, Falkon (Paul L. Smith, moins barbu qu’à l’accoutumée). Ils offrent un contre-point plus comique à Red Sonja, sans verser dans la farce, grâce à la dérision de ce roi qui s’imagine plus grand qu’il n’est ou la bonhomie de son serviteur.
Et il y a Kalidor, joué par Arnold Schwarzenegger. Engagé dans un contrat pour trois films avec Dino De Laurentiis Company, les deux Conan lui ont apporté la gloire, que le récent Terminator a encore attisée. Mais fort de son nouveau statut, et peu désireux de s’enfermer à nouveau dans un film de barbares en slips, l’acteur a pu négocier son rôle et sa présence. Voici donc Kalidor, chevalier servant, qui court derrière Red Sonja, le plus souvent pour la sauver, et qui n’est pas indifférent à son charme.
C’est un peu triste à dire, mais le film aurait probablement été meilleur sans Arnold. Red Sonja aurait alors déjoué toutes les embûches par elle-même, sans Kalidor qui arrive au bon moment, telle la cavalerie. Red Sonja est un personnage féminin fort, bien supérieure à la majorité des hommes rencontrés. D’ailleurs elle n’acceptera de partager son coeur et son corps qu’avec quelqu’un qui pourra la battre. Elle est comme ça Sonia, être une femme libérée c’est pas si facile. Inutile donc de dire que la romance timide mais heureusement gardée à bonne distance entre elle et Kalidor semble presque de trop.
Au delà de la présence parfois étouffante de Kalidor, il faut tout de même regretter un scénario simple et évident, mais dont le montage semble parfois charcuté. Certaines scènes arrivent hâtivement, à l’image de celle dans la grotte et de son eau montante. Mais le film de Richard Fleischer se montre tout de même bien mené, rempli de certaines scènes bien faites, où l’action n’est pas absente, on s’y bat, régulièrement, les épées claquent, les chorégraphies sont agréables, à l’image du duel entre Red Sonja et Kalidor.
Car, malgré un film qu’on pourrait craindre de bis, il faut reconnaître que des moyens ont été mis dedans. Le film assume peut-être plus franchement son héroic-fantasy grandiloquente, sans forcément atteindre ses ambitions -beaucoup de décors en carton pâte sont trop visibles, mais avec une évidente générosité. Certains décors, certaines scènes cherchent à en mettre plein les yeux, et si le trucage se voit parfois, la poudre aux yeux reste convaincante, offrant au film une évidente personnalité dans son cadre aux fastes lointains ou perdus. Dans ses meilleurs moments, Kalidor offre un souffle de l’aventure qui ne sent pas le poisson pas frais, et c’est fortement appréciable. D’ailleurs, même si Basil Poledouris ne rempile pas, son successeur ne démérite pas, quoi de plus normal avec un certain Ennio Morriconne qui offre quelques bonnes compositions pour accompagner l’aventure proposée.
Bien évidemment, Kalidor ne peut pas rivaliser avec Conan le barbare, sommet du genre, mais à bien des égards il arrive à corriger certaines des erreurs de Conan le destructeur, notamment son ton qui était devenu trop aseptisé. Le film est encore malhabile, notamment avec sa star autrichienne qui s’offre un bon rôle qui cannibalise celui de Brigitte Nielsen. Mais dans le domaine des films de barbares en slips (fut-il féminin) Kalidor/Red Sonja se révèle être une agréable production.