Je crois que ça doit faire un peu comme ça.

Je crois que ça doit faire un peu comme ça, quand tu perds quelqu'un que tu aimes plus que tout. La chair de ta chair. Quand tu passes ton temps à te dire que c'est de ta faute, parce que tu n'as pas tourné la tête au bon moment lorsqu'un homme trop faible l'a emmenée avec lui.


Je crois que tu passes ton temps à pleurer, à hurler, à chercher. A retourner la scène dans ta tête encore et encore. Je crois que tu pètes les plombs. Que tu te grattes jusqu'au sang, que tu ne vois plus passer le temps. Tu perds tout, ton travail, ton équilibre, celle que tu aimes, toute ta vie. Alors tu déambules, tu perds la notion de justice. A cet instant où tu te rends compte que tu ne la reverras jamais, tu te mets à chercher plus fort, parce qu'il faut garder espoir, même là où il n'y en a aucun.


Et la caméra, elle te suit partout, elle cherche avec toi. Comme toi, elle est loin d'être stable, elle n'est soutenue par aucune lumière, t'es pas dans le noir, mais presque. Comme toi elle regarde les autres, elle se raccroche aux détails, elle observe les voyageurs te prendre pour un fou. Mais tu n'es pas fou, tu es juste paumé.


Tu recherches l'équilibre dans ce que la vie fait de plus extrême, tu bois, tu chantes, tu danses, tu te bouffes des stroboscopes pour t'anesthésier, tu te complais dans la chaleur de la chair, et ton regard reste vide.
A un moment tu rencontres une belle, qui a l'air aussi triste que toi, mais différemment. Et tu veux l'aider, la doter d'un sourire. Tu donnes le meilleur de toi, mais elle est ailleurs, avec ses propres repères. Pourtant tu y croyais au bonheur de l'instant, au goût de la famille réunie. Là, on a senti un peu de chaleur dans tes mots, moins de folie dans tes gestes. Puis à nouveau la caméra tremble, à nouveau il fait froid. La vie tu l'as escaladée, et quand tu arrivais au sommet tu as lâché prise, il ne te reste qu'une seule main. La seconde tient celle de ta petite fille, aux contours fantomatiques. Ton histoire est lancinante, elle nous transperce, elle arrache nos tripes et les jette par terre. Ça en fait quelque chose de beau, d'un peu triste aussi.


C'est joliment lent, on te contemple comme des voyeurs, et on est désarmés. On sait qu'on ne voudra jamais prendre ta place, qu'on ne comprendra jamais ce que tu vis. Et je crois que lorsque tu perds quelqu'un, ça doit un peu faire comme ça.

Evalia
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 23 nov. 2015

Critique lue 270 fois

2 j'aime

Evalia

Écrit par

Critique lue 270 fois

2

D'autres avis sur Keane

Keane
Fritz_Langueur
8

Docu fiction torturé

Ouh là ! Ames sensibles, s’abstenir… Keane est un véritable électrochoc, et le voir requiert des nerfs solides ! Une fois cette mise en garde effectuée, il me faut parler de ce film dérangeant et...

le 24 sept. 2014

9 j'aime

3

Keane
DeanMoriarty
9

Keane

Tourné en quelques semaines avec des acteurs inconnus, *Keane* de Lodge Kerrigan prouve que les histoires les plus dépouillées peuvent être aussi les plus percutantes, à condition de savoir les...

le 17 févr. 2016

8 j'aime

2

Keane
micktaylor78
8

Un moment d'apnée cinématographique

Intranquille, inconfortable, étourdissant, voilà les qualificatifs qui viennent instantanément pendant que l’on regarde le troisième long métrage de Lodge Kerrigan, cinéaste américain aux seulement...

le 31 déc. 2020

5 j'aime

16

Du même critique

Back Home
Evalia
10

Le fantôme aux cicatrices

Après Reprise et Oslo, 31. august, Joachim Trier, réalisateur norvégien nous offre son troisième long-métrage, et marque sa première exportation Outre-mer. Dans Louder than Bombs, il peint un drame...

le 4 déc. 2015

23 j'aime

Lolo
Evalia
2

Le film français en 2015 : Mode d'emploi.

Précautions à prendre · Si l'un des effets indésirables devient grave ou si vous remarquez un effet indésirable non mentionné dans cette notice, parlez-en à votre producteur. Étape 1 : Tout...

le 29 oct. 2015

22 j'aime

3

Everybody Wants Some !!
Evalia
10

Soyons désinvoltes ;

Rien de plus banal que de réaliser une comédie américaine sur la vie des jeunes d'un campus universitaire. Il suffit d'y mettre un peu de soleil, du sport, des filles et de l'alcool. Le décor est...

le 30 avr. 2016

20 j'aime

2