Je comprends ceux qui aiment Kill Bill. Mais en ce qui me concerne, ce film entame une dérive de Tarantino vers plus de forme et moins de fonds. Une ornière dont il ne s'est sorti que depuis les Huit salopards (et l'injustement mésestimé Boulevard de la mort).
C'est idiot me diront les fans. Pourquoi taxer Kill Bill de futilité, de violence complaisante, quand dès Reservoir Dogs c'était la marque de fabrique de Tarantino ? Quand le cinéphile trouvera des trésors d'allusions cinéphiliques, à commencer par cette belle référence à Lady Snowblood dans la scène finale de ce volume 1 ? Je n'ai pas compris, je suis un inculte, etc...
Hé bien, permettez-moi de décrire juste ce que je vois. Je vois un film qui ressemble à une fiesta de démembrements, d'explosion de sang, et qui trouve ça fun. Mais qui essaie de lorgner du côté de l'esthétique chambara-bushido en même temps. Et qui ne joue pas avec le macabre et le ridicule, mais qui le recherche délibérément.
Alors oui, esthétiquement, cela a profondément marqué. La musique, notamment. Dieu sait le nombre d'émissions de variété qui ont repris des jingle de Kill Bill, ad nauseam, dans la deuxième moitié des années 2000. Et oui, certains plans, certaines courtes séquences sont restées dans la rétine : le combat sur fonds bleu, la scène d'exposition/décapitation d'Oren-Ishii.
Mais Kill Bill est un film qui n'a rien à apporter. Contrairement à Pulp Fiction, qui fonctionne comme un kaléidoscope dont on peut tirer un véritable amour de la Californie, ou Jackie Brown, ou Boulevard de la mort (lettre d'amour aux films de bagnole), ici nous sommes dans le bal masqué, avec une esthétique qui ne sait même pas vraiment où se placer, entre le cartoon et le hiératique. Et les scènes de dialogue n'ont pas grand-chose de savoureux. Les deux heures de ce film m'ont en fait semblée longues.
Ceux qui apprécident Kill Bill volume 1, je pense, le prennent pour ce qu'il est : un divertissement décérébré et gratuit. Tout comme les films qui viendront après : le nul Inglorious Basterds, et la déception que fut Django Unchained, bien jusque dans son dernier tiers avant de sombrer dans l'inepte. Tous ces films ont été encensés par la critique, et une partie du public, mais je suis persuadé qu'ils vieilliront moins bien que ceux qui viennent avant et ceux qui viennent après : ils font partie d'un trou d'air dans la carrière de Tarantino. A mon sens en tout cas.