La première fois que j'ai voulu voir Kill Bill, c'était sur mon ordinateur, un peu par hasard. J'ai arrêté le film vers la fin du premier combat (très tôt, donc) tant j'y trouvais peu d'intérêt.
La deuxième fois, c'était au cinéma, durant ma première année d'études en audiovisuel il y a deux ans. Je suis allé au bout, mais ce déchainement de violence inutilement gore, jalonné d'éléments visuels tout aussi inutilement tape-à-l'œil m'avait laissé assez indifférent.
La troisième fois, c'était ce soir, avec le cinéclub de mon école.
L'année où je l'ai vu la première fois, j'avais en cours un professeur dont le grand thème de l'année était "Qu'est-ce que le cinéma". Les critiques de films qu'il nous demandait devait répondre à cette question : ce film était-il du cinéma ?
J'ai beaucoup évolué en deux ans, et si j'ai repensé à ce prof devant Kill Bill c'est parce que j'ai concernant ce film une réponse qui le satisferait bien plus que celles que je pouvais bredouiller à l'époque. Kill Bill est du cinéma. Plus que ça, Kill Bill est peut-être la quintessence du cinéma tel que l'appréhende Quentin Tarantino. Un cinéma qui ne cherche à être réaliste qu'en de rares occasions (la première scène en plan fixe, une partie du duel final...) et convoque plutôt tous les fantasmes culturels du réalisateur. Ce n'est probablement pas innocent, si le film commence par un combat dans un quartier résidentiel américain typique pour finir sur un autre affrontement dans un Japon de carte postale (alors même qu'ils sont chronologiquement inversés). Entre temps, l'héroïne s'est fait forger un katana (avec toute la mystique ainsi que le fantasme d'arme légendaire qui l'accompagne) et a mis une combinaison semblable à celle de Bruce Lee dans Le Jeu de la mort. Elle affronte une subordonnée de son ennemie jouée par Chiaki Kuriyama, que Tarantino a repéré dans Battle Royale qu'il adore. On a également droit à un combat en ombres chinoises, semblable à celui qui ouvre le Dracula de Coppola, évoquant le théâtre d'ombre qui peut être vu comme un ancêtre du cinéma.
La Mariée, cette héroïne dont on n'apprendra le nom que dans la deuxième partie, évolue dans un temps déstructuré, où le début et la fin sont inversés. Si les différentes nationalités de ses adversaire sert de prétexte à un voyage à travers le monde, son véritable périple la fait surtout traverser les influences de Tarantino. Cinéma d'art martiaux Hong-Kongais, films de samouraï, westerns... Tout est à la fois gore et burlesque, irréaliste au possible. Tout est cinéma.
Si je n'ai pas aimé le côté "film d'action gore et décérébré" que j'y ai vu au départ, il devient, pour peu que l'on ai les clefs pour le comprendre, une friandise de cinéphilie. Peut-être cela manque-t-il de subtilité, sans doute est-ce parfois de mauvais goût, mais cette cinéphilie fourmille d'un bout à l'autre du film. Et c'est à travers elle que j'ai aimé revoir Kill Bill.