Kill Your Friends (2015) n’est pas juste une satire de l’industrie musicale, c’est une démonstration brutale de ce que devient le capitalisme quand il ne repose plus sur rien d’autre que la rentabilité immédiate et l’élimination de la concurrence. Stelfox n’est pas un personnage extrême, il est simplement l’incarnation parfaite d’un système qui valorise les plus cyniques, ceux qui comprennent que le talent n’a aucune importance tant que l’on sait manipuler les tendances et écraser les autres. Il ne croit ni à l’art ni aux artistes, il voit des produits, des variables d’ajustement, et c’est exactement ainsi que fonctionne l’industrie qu’il domine. L’ironie, c’est qu’il ne fait que suivre les règles que tout le monde accepte sans jamais les questionner.

Ce qui rend le film aussi glaçant, c’est qu’il ne cherche pas à juger son protagoniste, il l’expose. Pas comme un monstre isolé, mais comme la conséquence logique d’un capitalisme qui a totalement évacué la notion de mérite ou de créativité pour ne garder que la compétition la plus froide et la plus brutale. L’esprit guerrier, qui devrait être synonyme de dépassement et de lutte pour une cause, est ici réduit à sa version la plus creuse : un combat sans idéal, une guerre qui n’existe que pour elle-même. Stelfox ne veut pas accomplir quelque chose, il veut juste dominer. Son ascension est une guerre de tranchées où il ne s’agit pas de gagner, mais de s’assurer que personne d’autre n’y arrive.

Le plus pervers, c’est que cette mentalité n’est pas seulement encouragée, elle est nécessaire pour survivre. Le film illustre parfaitement que dans ces milieux ultra-compétitifs, refuser d’adopter cette logique, c’est signer son arrêt de mort professionnel. Ceux qui hésitent ou qui croient encore à un certain code moral se font broyer par ceux qui ont compris que la seule règle est qu’il n’y en a pas. Dans ce contexte, peut-on encore parler de guerrier ? Un guerrier se bat pour quelque chose, mais ici, il ne reste plus que des prédateurs qui s’éliminent entre eux pour occuper un trône sans valeur.

Kill Your Friends met en lumière cette réalité sans chercher à la dénoncer, et c’est ce qui le rend aussi efficace. Il ne dit pas que Stelfox est un salaud, il montre qu’il est exactement le genre de personne que ce système produit et récompense. Et au fond, c’est peut-être ça le plus effrayant : il n’est pas une anomalie, il est juste l’incarnation la plus lucide du jeu auquel tout le monde joue sans oser l’admettre.

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le 23 févr. 2025

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