King Kong, c'est la déclaration d'amour au cinéma totale d'un Peter Jackson sur le toit du monde. Auréolé du succès du Seigneur des Anneaux, le metteur en scène déploie toute sa maestria dans un spectacle ébouriffant.
King Kong était une évidence pour Peter Jackson. Braindead, son troisième (et génial) long-métrage, s'ouvrait sur l'île de Skull Island d'où venait son singe-zombie, qui se permet même une fugace apparition dans le dixième et gigantesque long-métrage du réalisateur néo-zélandais. Ce n'est cependant pas le seul motif de sa filmographie que convoque Peter Jackson qui passe ici en revue toute son oeuvre dans une flamboyante déclaration d'amour au cinéma.
Doté d'un budget qui dépasse de haut les records de Titanic et Spider-Man 2, le King Kong de Peter Jackson se veut être un remake du film original de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack sorti en 1933. Allant jusqu'à retourner à l'identique certaines scènes du film original, Peter Jackson poursuit son hommage amoureux jusqu'à y dédier un ouvrage, The World of Kong: A Natural History of Skull Island où le réalisateur détaille sous un faux récit d'exploration sa découverte de l'île et de ses nombreuses espèces.
King Jackson
Car le King Kong de Peter Jackson est l'occasion pour le réalisateur d'une fois de plus nous parler des artistes et du cinéma. En opposant deux jungles, l'une urbaine avec le New-York de la Grande Dépression et la mythique Skull Island, le récit nous embarque, sur fond d'un tournage maudit (rappelant souvent son faux documentaire Forgotten Silver) sur l'autel d'un art dévoré par l'avidité des hommes incarnée par le génial Jack Black et de son innocence, porté par King Kong, Naomi Watts et Adrian Brody.
Car si dans le film originel l'actrice Ann Darrow (campée par Naomi Watts) s'éprenait du second de l'équipage, Jack Driscoll, (campé par Adrien Brody) est ici un scénariste et dramaturge dont l'actrice voue une totale admiration à son travail. Un amour qui les réunira contre vents et marées sur deux îles où l'avidité aura cependant raison d'eux. Car la maestria de King Kong, c'est qu'au milieu de ses scènes d'actions dantesques transpirant l'amour du cinéma de chaque pore de sa pellicule, le film fait exister des personnages pris dans la tourmente d'une époque qui les a laissés de côté.
Une histoire d'A(rt)mour
Car si l'insouciance des années 50 faisait respectivement étouffer ses personnages dans Braindead et Créatures Célestes, La Grande Dépression que vivent les Etats-Unis laisse ici les beaucoup de monde de côté. Une majorité de la population vivant parqués dans des taudis, superbement conté en un seul plan d'ouverture, la population s'est lassée du divertissement et des artistes. Préférant manger que se divertir, l'art est ici porté par de véritables amoureux sans le sou qui essaieront tant bien que mal de faire vivre leur passion. Skull Island sera alors une étape pour ces derniers. Si certains seront dépassés par l'amour, l'avidité et les envies de gigantisme d'une époque triste envahiront les autres, qui deviendront plus féroces et cupides que les pires espèces de l'île du Crâne (et elles sont pourtant aussi nombreuses que terrifiantes).
Skull Island résonne alors comme un paradis de cinéma aussi hostile qu'excitant, eldorado terrifiant d'une époque qu'il l'est encore plus. King Kong symbolise ici les excès d'une société qui a joué sur l'économie en délaissant l'humain, montrant une bête de foire en oubliant son âme, pétrie d'amour, et tous les artistes qui l'y auront mené, tombés pour la passion d'un spectacle aussi beau que terrifiant. King Kong, c'est tout cela et plus encore. Bête de film, et créature de cinéma.