En plein hiver, le long d'un quai du port d'Hoboken, un bateau mystérieux est amarré avec un véritable arsenal d'explosifs stocké dans sa soute. Ce navire doit partir pour une destination inconnue mais, avant, Denham, un producteur et réalisateur de cinéma, se voit dans l'obligation de trouver une actrice. Le voyage devant durer plusieurs mois, les candidatures échouent les unes après les autres. C'est alors que la chance finit par sourire au réalisateur avec la découverte d'Ann, une jeune femme pauvre et figurante de cinéma au chômage. Pour une bonne somme d'argent, elle accepte de partir sur l'île lointaine et inconnue de Skull Island. Dans ce lieu, les indigènes vénèrent un Dieu monstrueux que Denham voudrait filmer. Une fois que les voyageurs ont débarqué sur l'île, les indigènes capturent Ann et en font une offrande pour le Dieu Kong. Celui-ci est en réalité un singe énorme, à l'allure féroce, qui va s'emparer de la jeune fille et l'emporter au milieu de la forêt. Sans tarder, l'équipe du film se lance à sa poursuite et délivre Ann. Furieux, Kong vient reprendre la belle mais, à son tour, se fait capturer. C'est alors que le producteur a l'idée lumineuse de le ramener par bateau à New -York afin d'exploiter pécuniairement cette découverte. Lorsque Ann et Denham décident de se marier, le singe brise ses liens, se sauve et part à la recherche de la jeune fille en dévastant tout sur son passage...


Bien que certains puissent classer cette oeuvre dans la catégorie "science- fiction", cette appréciation me parait erronée. Nous sommes plutôt dans le domaine du "fantastique" ou plus précisément de la "fable" puisque nous abordons des sujets aussi graves que l'esclavage, l'argent sale, l'intolérance, la violence et l'amour. En effet, et grâce à des scènes d'anthologie remarquablement efficaces, les metteurs en scène font défiler sous nos yeux toutes les errances des nations souveraines de l'époque. L'invasion de l'île sur laquelle vivent en paix les indigènes et leur Dieu Kong, la capture de celui-ci puis son transfert aux Etats-Unis et son déracinement, son esclavage et sa présentation comme animal de foire sont les images terribles et frappantes. Dans ce film, les humains n'ont plus rien d'humain, puisque seuls la domination et l'intérêt de l'argent facile sont les maîtres-mots de leurs préoccupations. La moralité de ce film est la plus logique du monde : l'animal est désintéressé et paisible, il peut avoir des passions, notamment son amour pour Ann, qui sera bien entendu exploité et manipulé par la société. Lorsque Kong se réveille, il devient violent par désespoir comme peuvent l'être les peuples opprimés.


Il n'est pas possible d'oublier la scène finale durant laquelle Kong, au sommet de l'Empire State Building, tenant Ann dans sa main, traqué par la police et les avions et prêt à mourir, pose délicatement la belle sur une corniche. La société dite civilisée ne reconnaît pas son crime puisque Deham déclarera : "Ce ne sont pas les balles qui l'ont tué ; c'est la belle qui a tué la bête". Ce genre d'argument reste toujours d'actualité. Ce film était donc prémonitoire et d'un modernisme étonnant par sa mise en scène et ses effets spéciaux. Malgré la dureté du propos, il se dégage une extrême beauté accentuée par les images en noir et blanc et également beaucoup de sensualité symbolisée par la très jolie Ann emportée avec Kong dans une histoire d'amour impossible.


Laissez-vous séduire par cette version de 1933 d' Ernest B. Schoedsack et de Merian C. Cooper qu'elle soit colorisée ou non, remarquablement interprétée par Fay Wray, Robert Armstrong et Bruce Cabot et nettement plus sincère et émouvante que celle de Peter Jackson qui passe à côté de ce sujet grave, en favorisant une mise en scène tapageuse truffée d'effets spéciaux plus spectaculaires que nécessaires.

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le 13 avr. 2013

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