Faust, les politiques et les journalistes

Il est assez regrettable que "Kongekabale" (parfois connu sous le nom "King's Game") baigne dans une ambiance de téléfilm de luxe, que ce soit au niveau esthétique avec ses filtres bleutés permanents pour figurer lourdement l'ambiance glacée de l'action ou au niveau de l'ambition thématique qui reste relativement modérée dans le récit d'un thriller politique sur fond de machination. Impossible de se départir de ce sentiment : il n'aurait pas fallu grand-chose de plus pour faire basculer ce film danois dans la catégorie des vrais bons films sur le sujet.


Le rythme est quand même un peu pénible par moments, au creux de ces eaux troubles où flirtent personnels politiques et représentants du journalisme. Pourtant la tension est montée assez vite, lorsqu'un dirigeant d'un parti politique suédois d'opposition en passe de devenir le prochain premier ministre est victime d'un grave accident de voiture. À trois semaines des élections, la machine médiatique et politique s'emballe, et les forces se réorganisent très rapidement. Certains avancent leurs pions sur l'échiquier un peu trop vite pour que ce soit sincère et indépendant du reste. On suivra le parcours initiatique d'un jeune journaliste qui s'est mis en tête de mener l'enquête au Parlement.


"Kongekabale" dévoile ses enjeux sans tarder : il sera question du pacte faustien entre la sphère politique et l'empire médiatique, en montrant les collusions manifestes qui arrangent bien les puissants des deux camps. Le scoop qui tombe sur le bureau du protagoniste, entachant la réputation d'une sérieuse candidate au remplacement du chef de file hors-jeu suite à l'accident, ressemble à un cadeau divin lui assurant un certain succès professionnel... Mais Nikolaj Arcel s'amusera à décrire en quoi le journaliste intègre et sincère pourrait n'être qu'un pion dans une stratégie d'une ampleur dont il ne cernait pas même les contours. Tout en nuances et en ellipses. Décidément, "something is rotten in the state of Denmark" et la pourriture ne s'arrête pas aux murs du Parlement.

Créée

le 22 déc. 2023

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Morrinson

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