A la fin d'une séance de L'Affaire Bojarski, il faut reconnaître que tous les ingrédients étaient réunis pour offrir quelque chose de grand.
Car Jean-Paul Salomé a visiblement, tout d'abord, l'ambition d'inscrire son film dans la lignée du cinéma populaire des années soixante-dix.
Car les moyens mis en oeuvre se voient à l'écran avec le faste mobilisé pour récréer la période.
Car le casting convoqué pour l'occasion vaut à l'évidence son pesant d'étoiles.
On n'avait plus vu Jean-Paul Salomé dans le film d'époque depuis 2008, soit la seconde guerre mondiale des Femmes de l'Ombre. Il s'empare encore une fois de son sujet avec enthousiasme et une certaine réussite dès lors qu'il met en image l'artiste au travail, sa certaine forme de génie, sa volonté de défier l'état et sa banque, sa solitude et son intégration impossible, faisant écho historique avec ce qui traverse notre société aujourd'hui.
Et il n'y a qu'à voir Reda Kateb, choix de casting loin d'être évident, évoluer pour incarner l'art, l'ingéniosité, la discipline et la prudence de son personnage pour faire tomber toutes les réticences. Jusqu'à cette confrontation montée comme un climax, où un Bojarski très matois joue soudain avec le feu, dans ce qu'il peut être imaginé comme l'image du film.
Mais l'on s'aperçoit soudainement que cette scène marquante, aussi formidable soit-elle, s'inscrit en contradiction avec la prudence que Salomé ne cesse de rappeler. Tandis que cette césure précipite L'Affaire Bojarski dans une seconde partie qui semble tout à coup se désunir et se liquéfier. Comme si le réalisateur semblait avoir épuisé tout l'intérêt de son personnage central et avoir les pires difficultés à en renouveler les enjeux.
Salomé échoue ainsi à déjouer une certaine monotonie, l'absence d'affrontement littéral du faussaire et de celui qui le traque, ou encore le côté très attendu de la dissolution de son couple et des motifs classiques de ce type d'histoires extraordinaires.
Pas sûr que l'isolement, la rigueur et les ruses de sioux déployées par le faussaire constituaient, à la réflexion, un terrain de jeu cinématographique apte à porter les aspirations du réalisateur. Ses efforts sont là, jusque dans la torsion du matériau pour agrémenter son scénario du feu intime mêlé d'admiration de la traque et du "romanesque" marquant tout parcours de vie hors du commun.
Mais L'Affaire Bojarski démontre un peu malheureusement qu'il ne suffit pas d'évoquer la vie d'un artiste, aussi doué fut-il dans sa partie, même criminelle, pour accoucher à coup sûr d'un chef d'oeuvre.
Et ça, le masqué en sera toujours le premier attristé.
Behind_T'as pas cent balles ?_the_Mask.