Le talent de Mankiewicz réside dans le fait qu'il réussit ici autant un film de guerre, qu'un film sur la lutte des classes. Sur l'aspect d'espionnage, on pourra regretter les personnages un peu trop caricaturaux des espions envoyés par Londres et Berlin. Les anglais ont la mâchoire carrée et présentent bien, quand les allemands sont laids et proprement idiots en plus d'être antipathiques. Mais au final, l'histoire - énorme - n'a qu'à mettre en scène ce que fut la réalité pour être convaincante. Du reste, James Mason étant l'un des meilleurs acteurs de tous les temps, on y croit sans souci.
Si le film s'était contenté de la trahison de son personnage, Five fingers n'aurait sans doute pas le même éclat, même si la qualité des dialogues le place au-dessus du lot. Mais le film outrepasse tout ça quand il interroge les motivations de son protagoniste, son sentiment d'être déclassé, et sa volonté stérile d'échapper à sa condition. Là encore, James Mason est épatant. Et si l'intrigue policière, le ton, et la musique de Bernard Herrmann évoquent les ambiances d'Hitchcock, le film dépasse le cadre du formalisme propre à Alfred. On est bien chez Mankiewicz, il y a davantage de contenu.
Même si Five fingers et ses espions un peu surannés ont quelque peu vieilli, le film reste un incontournable pour tout cinéphile.