"L'albatros" appartient à la première partie de la carrière cinématographique de Jean-Pierre Mocky. On pourrait même dire qu'en 1971, il en constitue un point d'orgue. Parce qu'après ce film, pour une raison que je n'identifie pas vraiment, la qualité ou l'intérêt baisseront pour finir, après 1980 (environ), dans le n'importe quoi. Ce que j'ai toujours regretté chez Mocky qui est un cinéaste qui a eu réalisé de très bons et très captivants films.
"L'albatros" est un film très noir qu'on peut voir de plusieurs façons.
On peut ne voir que le polar noir où un homme (JP Mocky) s'évade de prison. Pour faciliter sa cavale, il prend en otage une jeune femme (Marion Game) qui le hait dans un premier temps pour finir par prendre fait et cause pour lui jusqu'à l'aimer. Pour corser l'histoire, la jeune femme est la fille d'un homme politique en campagne électorale. La récupération malveillante de cette histoire par le candidat concurrent, risque bien de nuire à sa réélection, surtout que son slogan de campagne est "pour une France propre".
Le rythme est enlevé, les péripéties de la cavale nombreuses, les amateurs de polars y trouveront leur compte de courses, de poursuites, de moments dramatiques. Même si Mocky use parfois de facilités ou de raccourcis dans les actions. Ce n'est pas grave car ça marche bien. Pour ne rien gâcher, le héros principal est un héros romantique-type et n'est pas le truand ultra dangereux ou vicelard dont les médias parlent. Marion Game incarne très bien la jeune femme qui va sombrer en plein "syndrome de Stockholm" mais joue bien son rôle face à JP Mocky. La note pourrait facilement atteindre 8, par exemple …
Et puis, suivant les informations que distille peu à peu JP Mocky dans le film, on peut voir le film sous un aspect beaucoup plus politique. Je dirais même qu'on est bien, ici, chez le Mocky libertaire, antisystème, en bref, soixante-huitard. Et là, le héros, qui vient de s'évader, se pose en une victime de la société dont on apprend, subrepticement qu'il a tué un commissaire de police alors qu'il était interpellé à la suite d'une manifestation en plein de mois de mai 1968, soit deux ou trois ans auparavant … On n'est pas très loin du "criminel malgré lui", pour rester dans une expression "soft". Les deux hommes politiques (dont le père de la jeune femme) qui s'affrontent montrent une férocité (cachée) dans leurs façons d'être. Ce sont deux rapaces, sans scrupules, très antipathiques, prêts à tous les coups-bas pour atteindre le pouvoir et s'y maintenir. Et s'il n'y avait qu'eux ! Les colleurs d'affiches se foutent sur la gueule ou barbouillent les affiches de la partie adverse, les électeurs n'hésitent à dénoncer calomnieusement des fois que ça puisse nuire au candidat qui n'est pas de leur choix, deux employés vont aller voler dans un magasin pour satisfaire leur goût pour les boissons fortes … Quant à la police, elle montre clairement ses préférences pour un des candidats, quitte à orienter les recherches et poursuites de l'évadé et de la jeune femme.
On est dans le nihilisme où rien ne va plus, où tout le monde est pourri et où il n'y a plus aucune solution, ni même de raison de vivre …
Là, ça va un tout petit peu trop loin pour moi et la note chute dangereusement vers 4.
Au final, malgré toute ma bonne volonté, je ne peux pas nier qu'il n'y a pas les deux aspects dans le film. La note va se stabiliser vers (8+4)/2 = 6