Une histoire française des États-Unis

Les États-Unis vus par un œil français un brin naïf à la fin des années 50 : voilà le contenu de "L'Amérique insolite", un documentaire flirtant avec le genre ethnographique qui entend sillonner le pays d'Ouest en Est, de San Francisco à New York, dans le but d'en relever les innombrables singularités et d'en faire un certain portrait. François Reichenbach a ainsi passé 18 mois aux États-Unis entre 1957 et 1959, et nous livre une sorte de compte-rendu de son voyage, partagé entre la surprise intriguée et l'admiration béate. Les intentions semblent multiples, à la fois tournées vers l'illustration d'un certain quotidien américain, mais aussi clairement focalisées sur l'insolite. On sent, quelque part, que Reichenbach est parti (en bateau) aux États-Unis avec des idées préconçues, au moins en partie, et qu'il entendait y trouver des éléments de preuve accréditant sa thèse : un pays partagé entre la sévérité de ses règles et la grande liberté qui l'irrigue généreusement, lui donnant accès à un niveau d'indulgence paradoxal.

On a à ce titre droit à des discours de catalogue sur la jeunesse, sur la beauté, sur la sincérité, mais aussi sur la liberté. On passe dans des prisons texanes où l'on assiste à des concours de rodéo qui permettront au vainqueur de voir sa peine réduite de un an et au second d'obtenir une permission d'une semaine pour aller voir sa fiancée, après s'être focalisé sur un prisonnier étrangement maquillé en clown. On passe également par des écoles proposant des cours de strip-tease (l'auteur ne sachant pas trop qu'en penser, c'est assez drôle), on passe bien sûr in extremis par l'usine à rêves et à fric de Las Vegas, mais aussi par des choses beaucoup moins typées "carte postale", comme des défilés en costumes dans une petite ville, une bourgade uniquement peuplée de jumeaux, une plage baptisée "muscle beach" qui lui sert de support à un discours sur le culte de la beauté et sur la thématique de Miss America. Peu de jugements sur ce que Francois Reichenbach observe : simplement de quoi alimenter un propos moyen. Par contre, "L'Amérique insolite" parvient très bien à véhiculer le côté fascinant de ce pays, déjà parfaitement établie en 1960 (l'auteur prophétise — voire appelle — d'ailleurs une extension de cet état d'esprit en Europe dans les 20 prochaines années), cette configuration bicéphale qui voit autant d'aspects familiers que de choses absconses. L'occasion encore une fois de réaliser, si besoin était, que la réalité dépasse souvent la fiction.