Les meufs chez les bourges c'est totalement surcote

Je n'en attendais absolument rien, à tel point que la bande annonce m'avait rebuté dès sa sortie. Il faisait partie de la case "à la limite un dimanche soir de pluie quand je suis trop fatigué pour me concentrer sur du vrai cinéma". En l'occurrence ce dimanche soir 4 mai, après avoir loupé une séance qui m'intéressait.


Et bien au final c'est plutôt une sympathique surprise qui m'a fait passer un bon moment. Pointons de suite les gros défauts pour mieux les évacuer. A force de se vanner toutes les deux minutes, à coup de racisme misogynie homophobie et j'en passe le film devient vraiment lourdaud. On voit bien l'objectif de la satire des banlieues avec ce débit mitraillette, et on rit franchement plusieurs fois. Jusqu'à écœurement, tellement le prétexte devient fallacieux et vire même à la gratuité grossière et dangereuse. L'humour finit par se retourner contre son objectif initial. On ne plaisante plus avec les personnages, on se moque de la représentation erronée qu'on s'en fait à travers la sphère médiatique. Ce n'est plus régressif, cela devient bête et méchant.


Même topo concernant les classes sociales, qui sont ici tellement antinomiques qu'elles en deviennent caricaturales. On y retrouve le syndrome "La vie D'adèle" de Kechiche, ou l'immigration vit dans un grand dénuement topographique (le cinéma permet entre autre de prendre la mesure de l'urbanisation très homogène des cités dortoirs, qui paraissent toutes semblables. On a l'impression de se reconnaître chez soi, qu'on habite le centre ou le nord-est de la Seine-Saint-Denis. Il faudrait s'attarder la dessus par le biais de la cinephilie, à tenter un de ces jours) tandis que la bonne Bourgeoisie se repait de son progressisme éclairé pour guider le bon peuple. Jusqu'à son point d'orgue psychologisant ou "nous les mecs de Bougnoulland et les renois de la FranceAfrique on va pas raconter nos lifes à Freud qui baise sa mère, parce qu'on est des bonhommes meuf". Ya encore du boulot à faire pour embrasser la nuance et la complexité de la "diversité".


Fort heureusement, la part plus intimisme du film est beaucoup plus touchante. Sous ses dehors de grosse poilade banlieusarde romantique, on y traite du trauma jamais complètement évaporé et de l'amour/tendresse fraternelle entre mecs qui se jurent fidélité et loyauté, sans jamais trop se l'avouer concrètement. Par peur des représailles et du qu'en dira t'on. Comment fait on pour grandir dignement dans des territoires abandonnés par l'état français, ou la solidarité reste une des seules solutions de sécurité/survie. Comment se résigner à accepter que la République Française trie le bon du mauvais tricolore, à l'heure ou la Marinisation/Zemourisation du pays devient de plus en plus statutaire. Mourad Winter n'en fait pas des sujets frontaux, mais ils traversent tout le scénario en filigrane, et c'est peut-être encore plus fort ainsi.


Et le romantique dans tout ça? Jemili et Felpin en font parfois des caisses pour se donner des airs de papillons volages, mais ils sont étonnement vraiment touchants. Je le confesse d'autant plus volontiers que je n'aime absolument pas les clowns publiques qu'ils incarnent dans leurs shows respectifs. Lui dont les fêlures paraissent d'autant plus sourdes que sa bonhomie est extravagante, et dont ses mensonges trahissent d'autant mieux son insécurité (le cinéaste/romancier semble avoir un peu trop potassé Freud et Lacan, mais qu'importe après tout). Elle droite dans ses bottes, assez sûre de ses choix, qui semble avoir bien potassé Simone de Beauvoir et Virginia Woolf en même temps que les manuels d'intersectionnalite LGBT, est finalement moins insouciante que ne le laisse transparaître son Master d'étudiante HEC. On aimerait l'avoir comme bonne pote à l'écoute, et pourquoi pas plus si affinités si les planètes veulent bien s'aligner.


Dans ce maelström d'ingrédients plus ou moins bien digérés, on n'oubliera pas les parents du premier. On ne sait s'ils sont croyants ou acconfessionnels, et cela nous importe assez peu au final, car ils semblent d'une génération dont le culte n'est pas un étendard mais dont les origines se portent avec droiture et fierté. La chanson finale du père nous accompagne avec mélancolie dans les méandres d'une nuit qu'il importe autant d'habiter que d'imaginer.

Créée

le 5 mai 2025

Modifiée

le 5 mai 2025

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