L’amour d’une femme est le dernier film de Jean Grémillon. Il s’agit d’une œuvre remarquablement réalisée, comme une espèce de film-testament qui s’imbibe de tout ce qui a fait la singularité et la noblesse de ce cinéaste naturaliste, qui savait mieux que quiconque filmait les petites choses du quotidien, l’ouvrage et la passion que les gens y mettent, et les amours impossibles.


Marie, extraordinaire Micheline Presle, femme-médecin, arrive sur l’île d’Ouessant. Elle parviendra rapidement à se faire accepter par les insulaires grâce à son dévouement. Bientôt l’amour la rattrapera, fulgurant et fusionnel, avec André, un ingénieur du génie civil, venu sur l’île accomplir une mission de construction d’un pont.


Au-delà de l’aspect assez prévisible du dénouement et des enjeux du scénario, une femme célibataire qui croise le chemin d’un homme lui-même seul, c’est avant tout un remarquable portrait de femme en proie à un tiraillement permanent entre passion de sa profession et un amour qui lui semble promis. Qui lui semble, car le réalisateur saura toujours porter un regard distant sur cette relation naissante qu’il filme comme une amourette secrète entre deux adolescents.


Jean Grémillon, en passionné du travail bien fait et de la rigueur que les gens y mettent, sait prendre le temps de les montrer à la tâche. Anoblissant les petits gestes dans une scénographie quasi contemplative qui donne de vrais moments de grâce à ce qui pourrait paraître futile. Il savait magnifiquement montrer la vie d’une petite ville, d’un quartier, en montrer la vitalité avec une application magnifiée par de somptueux éclairages, chaque plan est parfaitement mis en image, un esthétisme de tout premier ordre et un jeu de sonorité unique, les bruits des sirènes au loin, une cloche d’église, les cris des enfants qui jouent. Chaque élément donne une véritable aura à son ouvrage.


Sans jamais forcer les traits des différents enjeux qui se présentent à lui par des artifices pompeux, pas de sur-dramatisation des événements, une musique très peu présente, il réussit par une alchimie qu’on pourrait assimiler à du naturalisme à embellir les petits moments et les événements plus graves dans une sorte d’élévation permanente de la singularité. En cela il les anoblit.


Il y a aussi l’océan qu’il filmait magnifiquement, les vagues et le vent s’accordant pour donner une sonorité magnifiquement orchestrée à cette histoire singulière au lyrisme diffus.

philippequevillart
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le 13 mars 2019

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