Le Boulet. La Jalousie. L'Envie. La Folie. Withnail and I. Les Apprentis.

Vu sans rien en connaître sauf son alléchant casting.

Un film entre autres sur l'amitié, et pour une fois d'hommes de générations différentes.

Mais aussi un film sur l'égoïsme sans doute nécessaire et souvent involontaire du couple, excluant et fragilisant des amitiés passées.

Un film aussi sur les fins de carrière d'artiste: sur la gestion de la déception et sur la tristesse du vieux clown.

Une belle surprise découverte quasi au hasard sur TV5 monde où il sera rediffusé le lundi 05 Février 2024 à 23:37. Et à voir jusqu'au 29 janvier 2024 sur revoir.tv5monde.com .

J'aime décidément souvent des films réalisés par des acteurs (que je me liste).

J'aime les scènes de baisers à têtes inversées (Le Yin et le Yang du baiser?, comme sur l'affiche et bien avant Spiderman).

Dans le tableau 'Le jardin des délices' de Jérôme Bosch, un couple est souriant, enfermé dans sa bulle d'amour, mais j'ai mis du temps à voir qu'il sont accompagnés d'une troisième personne dont on n'aperçoit que le visage sur lequel ils semblent même s'asseoir...ce pauvre homme dessous est tout seul et est même en tête à tête avec à un rat enfermé dans un tube (comme la torture des années plus tard décrite dans 1984 d'Orwell). Il m'a semblé retrouver ce trio dans ce film: le troisième homme d'ailleurs plus petit que le couple, en est comme dessous, les observe par en dessous et semble faire face à ses démons qui finiront par lui manger la tête...

Marie-Christine Barrault, antiquaire, joue la femme du couple tentant de se créer avec Daniel Duval (un exploit d'acteur car il est crédible alors qu'il réalise aussi et joue... un réalisateur).

Jean Carmet est l'ami, ancien acteur et clown en décadence: il devient de plus en plus encombrant et très décalé.

Son personnage me rappelle en moins drôle et plus psychotique le rôle de Michel Blanc la même année dans 'Viens chez moi, j'habite chez une copine'.

En clown puis lors d'une scène en tête à tête avec sa rivale dans ce couple amical, il m'a même rappelé une première version du Joker. Le regard de Jean Carmet est alors juste inquiétant et glaçant (son rôle est même pire que dans Dupont Lajoie).

Il m'est revenu que l'acteur racontait soudain parfois accepter des invitations de gens inconnus le rencontrant dans la rue. Il partait alors avec eux et passait quelques jours dans leur famille. Il apprenait, observait. Ce en quoi Jean Carmet me rappelle Bill Murray (notamment selon le doc 'Le fantastique Mr Murray').

Le couple a l'idée de tenter de réconcilier Jean Carmet avec son ancien partenaire de music-hall et cabaret: occasion d'une scène de repas qui tourne au pathétique et vinaigre.

Le duo Jean Carmet et Hubert Deschamps me rappelle alors les retrouvailles aussi houleuses entre deux anciens partenaires de music-hall dans la pièce drôle et acide de Neil Simon puis ses versions en films, The Sunshine Boys (1975): ex amis alors joués par Walter Matthau et George Burns puis avec moins de succès par Woody Allen et Peter Falk mais aussi par Daniel Prévost et Jacques Balutin (les plus convaincants des trois duos).

Pour être plus clair, je copie le début de résumé de Tv5 Monde:

_"Charlie, réalisateur de télévision, et Max, comédien, sont inséparables. Une amitié qui vacille quand Charlie s'éprend de Rose-Marie. La femme de Max vient de le quitter et sa solitude le pousse à s'incruster. Une présence pesante qui, très vite, met le couple en péril... Réalisation : Daniel Duval (France, 1981) Distribution : Daniel Duval (Charlie), Jean Carmet (Max), Marie-Christine Barrault (Rose-Marie), Hubert Deschamps (Jean Dumaine), Monique Pantel (Monique; femme de Max et institutrice)"

Ce film est de 1981. Je lui trouve des parentés et ADN avec d'autres merveilles:

Withnail and I, de 1988 (entre autres, aussi sur deux amis, dont l'un stagne et sent que l'autre va prendre son envol...);

Les apprentis, de 1995 (entre autres, aussi sur deux amis dont le lien est mis à l'épreuve par l'amour déçu de l'un et aussi la crise psychotique...les scènes en asile de repos sont tout aussi touchantes que celles dans 'L'amour de trop'...touchante aussi car un patient touche et joue avec le nez du patient attaché!);

Comme un avion, de 2015 qui partage ses belles scènes de canoe kayak sous des rayons de lumières transperçant des feuillages d'arbres, alors devenus cathédrale verte dont des rayons de soleil traverseraient les vitraux. (je me demande si Daniel Duval ne ferait aussi pas allusion aux amis en canoé dans Delivrance).

Celui qui m'a bluffé et fait croire en son personnage sur lequel je n'ai cessé de changer d'avis est Jean Carmet: quels spectre de jeu et univers! ...si peu exploré ailleurs, je crois.

Ce quasi harceleur, pot de colle est quand même très drôle et sympathique au début.

Il m'a d'ailleurs bien fait sourire lors de la toute première scène où il est déguisée en mamie pickpocket:. Il m'a fait repenser à la maman du politicien accusé de vol dans un film de Otar Iosseliani cherchant refuge chez sa vieille mère jouée par...Michel Piccoli, qui a alors la même perruque: la mamie est d'ailleurs sur l'affiche de 2006.

Mais Max/Jean Carmet m'est devenu quasi une figure de Joker ou de Phantom of the Opera...voire, dans une scène mémorable, une sorte de Michel Serrault quand il s'éloigne en Docteur Petiot,

ou Fernandel, prêtre aussi perdant la raison à la fin de L'Auberge Rouge et s'éloignant aussi comme un Charlot en crise de démence dans une scène de tunnel qui me restera...le tunnel tôt ou tard débouchera sur la lumière?

À voir jusqu'au 29 janvier 2024 sur https://revoir.tv5monde.com/toutes-les-videos/cinema/l-amour-trop-fort