Yannick Bellon, décédée en 2019, a toujours eu beaucoup de mal à réaliser ses projets, ce qui explique qu'elle n'a tourné que 8 longs-métrages. Cinéaste engagée, qualifiée de "féministe", notamment par ceux qui considèrent le terme comme péjoratif, elle a signé des films aux sujets forts dont on oublie trop souvent qu'ils sont traversés par une poésie et un humanisme prégnants. L'amour violé a provoqué bien des débats au moment de sa sortie et sans doute une prise de conscience de certains spectateurs de l'abjection du viol. Pour autant, si le film plaide pour briser la loi du silence, il est loin du cinéma de Cayatte et se rapproche parfois du style de Pialat, pour sa crudité et son naturalisme, bien que certains passages soient ratés, en particulier des conversations qui s'apparentent à du "café-philo." Mais la scène du viol elle-même est très efficace car épouvantable et la brisure intérieure de la victime de même que les réactions diverses de ses proches, de la compassion au doute, parfaitement restituées. Globalement, le film a vieilli mais pas sur le fond et principalement dans l'analyse de la société française, basée sur le patriarcat et la virilité. Les portraits des violeurs, peu étoffés, peuvent sembler un brin caricaturaux mais ce n'est pas sur eux, salauds ordinaires, que le film cherche à s'attarder. Nathalie Nell n'a hélas plus joué de rôles aussi adaptés à son talent, tout du moins au cinéma et elle a surtout pu le montrer au théâtre. Quant à Daniel Auteuil et Pierre Arditi, pour le peu qu'on les voit, il était difficile d'imaginer leur future carrière.