Il a bel et bien des allures d'ange tombé du ciel, avec son faciès candide et sa chevelure blonde. Pourtant son train de vie diabolique l'entraîne inexorablement vers une rechute plutôt qu'une ascension.


Il faut rentrer dans L'Ange. Arriver à cerner où l'on se situe, comprendre que l'absurdité y est omniprésente et qu'à chaque fois que l'on se croit ancré dans quelque chose, le film se déjoue du tout venant. Il forme certes une boucle, mais il n'y a qu'à comparer la situation de début et la situation de fin pour constater que L'Ange nous a bien mené quelque part d'inattendu mais avec une douce fluidité.


En compétition à Cannes pour le prix un certain regard, c'est intéressant de constater que l'on voit le monde à travers le filtre du regard de Carlitos. En effet, les teintes acidulées, le ton nonchalant et son habitude de danser dans les moments les plus improbables, tout cela confronté à un contexte de tuerie nous donne à voir le délire complexe de ce personnage, sorte de rébellion juvénile mêlée à un idéal insouciant poussé à l'extrême. En ce sens, Luis Ortega ne perd jamais de vue cette vision et la pousse à un point exemplaire. Le chef opérateur Julian Apezteguia y a fait un travail considérable, la lumière est constamment travaillée.


Comme si il avait besoin d'un temps de chargement pour faire démarrer son système, ce long métrage ne nous montre pas toute son inventivité directement puis s'emballe de plus en plus. Le cadrage et les mouvements de caméra, bien trop convenus au début font preuve d'une maîtrise savoureuse par la suite,


notamment dans cette scène où l'on suit Carlitos s'échapper de la prison à la Splinter Cell.


Le risque, peut être, de ce film, c'est de se retrouver bloqué par son côté pop assumé et d'en devenir, au moins un exercice stylistique gentillet, au pire, une chronique adolescente pour adolescents, sans aller jamais au bout des choses et sans dépasser la frontière de l'anecdotique. Bien que cette dernière est fine par moment, le fait est qu'un charme subtil s'opère. L'homosexualité du personnage, en écho avec son partenaire joué par Ricardo Darin Jr, s'articule autour de récits visuels parlants et tout est dit (ou presque) sans qui l'y ai besoin forcément de dialogues. De plus, l'on comprend bien le contexte militaire de cette Argentine des années 70, où la virilité tient une certaine place.


Le deuxième risque, encore une fois peut être, du côté acidulé du film, c'est de ne pas laisser la place au final à l'émotion vraie ou à une approche plus terre à terre de la dramaturgie. Mais il ne se prive pas d'instants comme ceux ci, que ce soit au travers de la mère de Carlitos qui se retrouve terriblement dépassé par l'attitude de son fils,


ou ce moment dans le train, où L'Ange pleure au son de la messe.


Rares sont les films qui n'utilisent presque pas de musiques originales et qui le font bien. On se rappelle tous du côté playlist Deezer très irritant de Suicid Squad. Ici, il y a quelque chose de Trainspotting, à utiliser de très bons morceaux tout en servant la continuité filmique et sa logique.


Même si au final, il n'y a pas de séquences qui marque énormément, je propose de voir ce film, non pas comme un biopic mineur ( oui c'est un biopic) mais comme un imprévisible portrait d'un Ange qui brûlait ses ailes.

sickk_boy
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le 26 janv. 2019

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