L'Apollonide, souvenirs de la maison close par jejeninjaki

Cette oeuvre nous entraîne dans une maison close du XIXè siècle à l'avenir incertain. La reconstitution des décors de l'époque est formidablement réussie, donnant au film une dimension envoûtante, surréaliste. L'oeuvre nous fait vivre le quotidien d'un groupe de prostituées. Ce quotidien se divise en 2 grandes parties : la première, l'étape de préparation de chaque grand soir. Nous les voyons rire, pleurer, dans leur intimité, loin des regards des hommes. Nous les voyons mises à nu, leur personnalité dévoilée au grand jour, comme si ces femmes avaient une histoire "comme les autres". L'autre partie, à l'opposée, plus sombre, est celle de la métamorphose. Ces filles doivent faire leur boulot, se mettent dans la peau de quelqu'un d'autre, doivent tenter les hommes et ramener de l'argent à leur patronne. Certaines y prennent du plaisir, d'autre moins, certaines se font violer, d'autres deviennent amoureuses de leur client et espère qu'un jour il rachètera ses dettes. Certaines se soumettent à la volonté du client aux idées malsaines, d'autres préfèrent imposer les leurs. Certaines attrapent des maladies, et en meurent. On constate qu'en présence de ces hommes (y compris le médecin), leur vie se réduit à ouvrir leur cuisse. C'est pour cela que la journée est une délivrance, car elles peuvent enfin être elles-mêmes. Elle revivent.

Mais tout ce qui se passe dans ses chambres sombres, restera à l'intérieur de la maison, et ne s'échappera pas de ses portes. Voilà le quotidien tragique de ces femmes, qui pour la plupart ont choisi ce destin. Ce qui est remarquable, c'est la solidarité que doivent faire preuves ces femmes. Comme rien ne sort de la maison, chacune possède l'état d'âme de l'autre, comme la solidarité n'était plus que leur seule raison de vivre.
Avec comme thème la prostitution, Bonello nous transmet un message universel, et raconte sans juger. Tout est exposé avec une certaine neutralité. Tous les hommes ne sont pas méchants, non, les hommes sont des hommes, parfois cruels, parfois justes. Il n'y a aucune dénonciation de la prostitution, car c'est un métier immortel, il existe depuis toujours (cf dernière séquence). La volonté de caser des musiques des 60's dans un contexte plus ancien renforce cette intemporalité.

Pour la réalisation, je l'ai trouvé à la fois très sobre et très soignée. Les jeux de lumières sont assez fabuleux. Et quelques moments m'ont vraiment fait frémir, comme par exemple certaines séquences (le rite après de la mort de la fille) qui sont magnifiées par la musique.
Pour les défauts, je reprocherai au réalisateur de n'avoir pas totalement réussi à nous attacher aux personnages, individuellement parlant. Du fait peut-être d'un trop grand nombre de femmes et d'une narration trop éclatée. Mais cela ne m'a pas choqué non plus, car le sujet était surtout de suivre ce groupe dans leur quotidien et d'en faire une histoire à caractère universel. Quelques flashback qui marchent assez moyen, une symbolique parfois sur-éxagérée (la femme qui rit qui pleure du sperme ? )

Au final, un bel exemple de film d'auteur qui ne rime pas forcément avec chiant. Au contraire, je le classerai dans top 3 des meilleurs films français de l'année 2011, juste derrière La Guerre est Déclarée, et Polisse + Un prix de la photographie aux Césars qu'il aurait pu (du) remporter.
jejeninjaki
8
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le 29 oct. 2012

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