Quête du père et simultanément d'un terroir identitaire tellement tiraillé par l'histoire qu'il convoque l'apprentissage d'un regard nouveau sur lui-même, plus panthéiste que politique, en tout cas fraternel.
Réalisant que ses combines sont une impasse qui ne saurait détourner sa mère de la prostitution, Tedo s'en va. L'odyssée qu'il entreprend adopte un caractère d'autant plus héroïque que ses comparses lui ont déjà dressé un tableau cauchemardesque des populations vers lesquelles il se rend (des abkhazes buveurs de sang au sens propre !). Son parcours traumatique affiche en parallèle une lecture non manichéenne du monde (aucune des communautés n'a l'apanage de la barbarie: mère souillée par un géorgien - signalé par la crosse gravée d'un pistolet, jeunes miliciens de même identité coupables de viol, meurtre commis par un garde-frontière cette fois abkhaze, et illustrations nuancées par diverses attitudes bienveillantes à l'égard de l'enfant provenant indifféremment des uns ou des autres). Et c'est bien l'un des enjeux de ce film humaniste, tout à l'image des recommandations de la vieille tante concernant les demi-soeurs abkhazes du héros qu'il faudra aimer sans distinction, comme un message de réconciliation pour l'avenir.
Mais la belle idée reste la juxtaposition que formule la scène finale, quasi chamanique et animée par les frères d'armes du père, face aux représentations fantasmagoriques de l'enfant, écho du récit onirique évoqué au début du film. A mon sens la danse cosmique illustre la sagesse, le modèle de plénitude à atteindre, organique, dionysiaque, vis-à-vis de la terre-mère par opposition à l'idéalisme puéril et coupable qui a déchiré la nation géorgienne, comme tant d'autres conflits ailleurs, illustré par les représentions mentales illusoires de Tedo d'un paradis par nature inatteignable. Les combattants qui l'accueillent, où l'on devine la figure du père, trinquent "A la forêt, au fleuve et aux montagnes", sans faire usage du pronom possessif ! On retrouvera ce même rapport au monde, au temps, dans "La terre éphémère".
Rq: Le film a ses facilités un peu caricaturales (le viol, le meurtre), mais elles passent si on les resitue dans le contexte d'une fable narrée au hauteur d'enfant. Pas très bien compris la problématique du whisky White Horse / Marlboro, dans le récit du chauffeur de camion qui abandonnera Tedo sur la route. Peut-être un problème de traduction dans les sous-titres.
Mots-clé / thèmes: Enfance dans la guerre, Nature, fraternité, barbarie, idéalisme/sagesse, odyssée, réfugié, animisme