Kenji Mizoguchi est le cinéaste de la condition féminine.
La pute, la mère, la fille, l'épouse...

Dans l'élégie de Naniwa (ou d'Osaka) il s'intéresse à Ayako, une modeste employée de bureau qui doit assurer le quotidien de son père, son frère et sa jeune soeur. Il peindra de nombreux portraits de femme dont l'Elégie en est le premier exemple.
Naniwa n'est pas le nom d'une femme mais simplement l'ancien nom d'Osaka. cela explique que le film se trouve sous l'un ou l'autre titre.
Considéré comme le premier film parlant du japonais, il n'en est en réalité rien. De nombreux films de cette période ayant été détruits par la censure ou perdus, il ne nous est parvenue qu'une partie de l'oeuvre du maître.
Dès le début le ton est donné : il s'agit de savoir où l'homme place sa virilité et comment il instaure sa domination sur la gente féminine dans son ensemble et la soumet à son désir.
Ce presque moyen métrage d'à peine une heure et dix minutes, raconte comment Ayako, une jeune femme droite, amoureuse de son collègue, fille dévouée et sœur aimante va être obligée de se soumettre aux volontés des différents homme qui l'entourent. Son père d'abord, son patron, son promis vont faire d'elle un moyen de parvenir à leurs fins et sont chacun une preuve de plus du manque de considération des homme pour la gente féminine.
Dès 1931 Mizoguchi montre une femme obligée de se prostituer pour assurer sa survie. Face à ce choix cornélien, elle arrive à n'en ressentir aucune honte mais de la fierté de mener ce combat auquel les hommes et la société dans son intégralité l'ont acculée.
Entre drame et burlesque Mizoguchi suit donc les déchirements subis par Ayako qui sera rejetée de toute part pour s'être conformée aux volontés de son père et avoir essayé de sauver son honneur. Cette jeune femme est l'archétype du personnage sacrifié, de l'héroïne de mélodrame. Elle n'est pourtant pas dupe de cette situation mais son inéluctabilité la rend impuissante.
A côté de son destin de femme, il y a son patron et le couple qu'il forme avec la fille de l'ancien patron de l'entreprise qu'il dirige.
Cette partie là est très proche du burlesque américain d'un Lubitsch ou d'un Chaplin. Quand le médecin, appelé par son patient se trompe d'adresse et laisse au spectateur s'imaginer les conséquences et la scène non montée est absolument fantastique. Les choix fort judicieux laissent ainsi la part belle à l'imagination du spectateur. Celle du théâtre Kabuki est elle aussi fantastique. Le pathétique de l'homme, sa lâcheté naturelle sont d'un réalisme étonnant, réjouissant et montre tellement la supériorité de la femme dans les relations de couple aux yeux du réalisateur qu'elle est à ce titre exemplaire.

En dénonçant ouvertement la difficile condition de vie des femmes dans le Japon, il s'ouvre à la modernité mais fait subir au cinéaste et au film une censure drastique qui empêchera son film de se faire connaître malgré un succès critique. Ce film devait faire partie d'une trilogie qui sera pour ces raisons malheureusement avortée.
Rawi
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le 16 mars 2015

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