L'Empire par burekuchan

Pas forcément très familier avec l'univers de Bruno Dumont (j'avais seulement vu Ma loute il y a quelques années au cinéma, en m'amusant mais sans trop le comprendre), j'ai d'abord vu dans L'Empire une parodie amusante de Star Wars. Comment ne pas du tout lire le film ainsi ? Je trouve que c'est là qu'il puise les meilleures trouvailles de son humour : la reprise du sabre laser pour n'être utilisé que dans trois scènes assez courtes, avec un cours de combat absolument pourri. La relation mentor-padawan raillée dans les interactions des personnages de Jane et de Rudy, qui sont assez amusantes et savoureuses. Surtout, le film pousse jusqu'au bout la logique absurde d'un combat entre le "Bien" et le "Mal", deux forces qui s'annulent dans ce qui apparaît comme une gigantesque blague. J’aime bien cette espèce de raisonnement par l’absurde qui met le spectateur en face de l’absurdité de ces luttes manichéennes dans les grands films de SF. Le constat que semble proposer le film est plus nuancé : les humains, comme dit par Jane, ne sont ni bons ni mauvais, c’est plus complexe que ça. C'est tout ce qu'il reste : l'humanité, l'ambiguïté, la passion, le désir.

J'ai aussi été fasciné par les églises géantes en guise de vaisseau spatial. Comme si le film voulait aussi s’adresser aux religions, et montrer les limites de tout manichéisme et de toute vision opposant le bien au mal. Tout s’annule, ne reste plus que la Terre, sa médiocrité rudimentaire mais aussi sa profonde humanité.

Humanité que les « anges » et « démons » ( ? en tous cas agents du Bien et du Mal, des Uns et des Zéros), désirent ardemment, et dans laquelle ils se complaisent.

J'ai trouvé Camille Cottin géniale dans la Reine du Bien hautaine et secrètement méprisante (dommage qu'elle apparaisse si peu), Fabrice Lucchini génial dans un empereur du mal absolument fou, ses mimiques sont terrifiantes.

J’ai bien aimé aussi certains plans : lorsque Jane et John s’embrassent et que la caméra leur tourne autour, les plans larges quand ils baisent ou sont ensemble, comme si faire l’amour faisait être tout petit dans un cosmos.

Visuellement, c'est un film très réussi.

Le gros point noir pour moi est cet humour consistant parfois à rire de voir des personnages ch'ti apparemment idiots et médiocres (?), en tous cas banals, vivre leur vie de ch'ti avec leur accent ch'ti. J'ai cru entendre que c'était une caractéristique du cinéma de Bruno Dumont, et c'est vrai que les deux inspecteurs de police complètement à l'ouest m'ont bien amusé.

Mais le personnage de Jony par exemple m'a assez agacé, je trouve qu'il est plutôt mal écrit. Je crois que c'est ce personnage qui a mené des gens à décrire le film de "sexiste", je n'irais pas jusque là mais oui, c'est un personnage de gros beauf, dont l'humour ne me fait pas rire.

Une forme de malaise dans le décalage entre la subtilité de l'humour parfois, et sa grande beauferie à d'autres endroits. Je pense qu'un assez maigre public peut rire aux deux humours à la fois. C'est peut-être une force de ce cinéma, je n'en sais rien, en tous cas je suis mitigé.

Dans l'ensemble ça reste un bon film, dont certaines images et certaines idées me resteront probablement en tête un moment. On ne peut pas retirer à ce film qu'il est unique et qu'il propose quelque chose dans la SF moderne qui ne s'est probablement jamais vu ?