L'Empire
5.8
L'Empire

Film de Bruno Dumont (2024)

Notre planète Terre, la planète bleue, ce petit bout de caillou, cette « aiuola che ci fa tanto feroci » comme dirait l’autre, devient dans la dernière fantaisie de Bruno Dumont le terrain d’une confrontation épique entre deux factions extra-terrestres au nom informatique, les « Zéros » et les « Uns ». Tout ça pour dire que ça se passe dans le 62.

Les premiers, tout de noir vêtus, représentent le mal, l’entropie, le néant. Les seconds tout le contraire, la lumière, la vertu et le bien. Quoiqu’au final on ne parvienne pas vraiment à les distinguer ni à distinguer leurs objectifs respectifs. Pourquoi se battent-ils ? Qui est le Margar, cet enfant divin annonçant l’apocalypse ? Quels sont les enjeux grandioses et cosmiques de leur lutte ? Pourquoi le Nord-pas-de-Calais ?

Autant de questions qui ne trouveront pas de réponses dans cette pellicule filmée fort joyeuse et divertissante. Bruno Dumont, malin comme un singe, utilise le dispositif science-fictionnel (et ses tropes : l’agenouillement, le conseil à cheval, la bataille spatiale, le trou noir etc.) comme un prétexte pour filmer des jeunes gens pris dans les flux énergétiques du Désir. Voir par exemple ces lignes de dialogues mémorables : « ton petit cul m’excite. Regarde comme tu me fais bander ». On est à la limite du JDR grandeur nature. On se demande à tout moment si le scénario va s’interrompre pour révéler que tout cela n’était qu’une farce, un jeu, qu’il n’y a pas plus de Margar que de zéro, de un et de guerre intergalactique. Ce sont juste des jeunes gens qui jouent devant des adultes médusés et dépassés, comme la paire comique de gendarmes, ou des vieux, attendrissants et « cocasses », comme le dit le personnage de Camille Cottin après avoir échangé avec cette dame qui boite en allant faire ses courses. Des jeunes qui dégainent des sabres lasers, se prennent pour des démons, s’aiment malgré leur rivalité comme des Roméo et Juliette ch’ti et finissent invariablement par baiser en toute simplicité. Au milieu des chevaux. Dans une barque au milieu de la mer en plein soleil. Le Nord-Pas-de-Calais prend une dimension héroïque. Le réel est exhaussé. Il n’est pas nécessaire de comprendre l’Empire. Il suffit juste de l’apprécier.

Mention spéciale à la scène gracieuse où le cheval de Fabrice Lucchini, dans son costume d’empereur du néant à la Moebius (le Dune de Jodorowski a essaimé jusque là…) effectue un pas de danse devant les trois musiciens qui jouent leur musique classique jazz astralo-interstellaire.

LeJardindesIdees
8

Créée

le 26 févr. 2024

Critique lue 23 fois

1 j'aime

Critique lue 23 fois

1

D'autres avis sur L'Empire

L'Empire
Dagrey_Le-feu-follet
7

Bruno Dumont contre attaque...

Avec l'Empire, Bruno Dumont nous offre sa vision caustique, cruelle et déjantée de "La Guerre des étoiles".L'empire est un film de science fiction parodique de Bruno Dumont sorti en 2024.Un univers...

le 21 févr. 2024

33 j'aime

11

L'Empire
Moizi
8

et qu'advienne l'AMOUR

Si je me souviens bien L'Empire était le titre de travail d'Hors Satan, un des meilleurs Dumont et l'un de ses derniers avant qu'il ne se mette à la comédie. C'est là qu'on se rend compte qu'à la...

le 6 avr. 2024

29 j'aime

3

L'Empire
Tex_AS
4

L'invasion des profanateurs de pop culture

Ma grand-mère disait toujours : "Gamin, il y a une fine frontière entre l'art et le nanar". Illustration empirique ici.J'ai aimé (dans l'ordre) :- les (trop) rares apparitions de Carpentier et Van...

le 22 févr. 2024

27 j'aime

18

Du même critique

Le Procès Goldman
LeJardindesIdees
4

Je te donne (tous mes féminicides) ♫

Tous ces défauts qui ne sont pas vraiment des chances. Il est vrai que ce Goldman était loin d’être un standard, un homme bien comme il faut. Voyou, aventurier, militant politique, écrivain,...

le 7 oct. 2023

10 j'aime

Matrix Resurrections
LeJardindesIdees
2

Cher Lambert Wilson,

Je vous ai toujours apprécié. Vous, votre charme anglais et vos cols roulés. J’ai chanté les louanges de votre prestation dans Des Hommes et des dieux. Aux côtés de Lucchini dans Alceste à...

le 28 déc. 2021

10 j'aime

5

Memoria
LeJardindesIdees
2

"Je suis comme un disque dur"

Oh putain quelle purge. Je me suis emmerdé… mais d’une force. Vous n’avez pas idée. Ce film, c’est La Soupe aux choux version thaïe. La Soupe Pho aux choux. Je résume en huit mots : des bruits...

le 6 déc. 2021

10 j'aime

3