Emballé avec panache en à peine 1h10, l’énigme du Chicago Express témoigne de tout le savoir faire de Richard Fleischer. Le cinéaste s'empare pour l'occasion d'un train, qui sera quasiment le seul lieu à accueillir son polar et y invite de nombreux personnages pour brouiller les pistes d'une chasse à la vérité habilement racontée. Bien malin qui saura anticiper l'ultime retournement de situation qui remettra tout en perspective. Pendant une bonne heure, si l'on suit l'histoire avec un intérêt non feint, son fil rouge semble linéaire et peu surprenant. Sitôt cette impression imprimée dans nos petits cerveaux, Fleischer la fait voler en éclat par un twist malin qui s'inscrit avec un tel naturel dans son histoire qu'on ne peut que l'accueillir avec le sourire.


Qui dit train en marche, dit étroits couloirs et faible marge de manoeuvre pour composer une mise en scène non statique. Place donc à l'exercice de style que Fleischer réussit avec les honneurs. Faisant des espaces réduits qu'il investit une vraie force graphique, il va jusqu'à se jouer du manque de place pour instaurer une ambiance paranoïaque encore plus aiguë. Difficile de se cacher lorsque les oreilles indiscrètes peuvent tout entendre, impossible de régler ses comptes sans être ennuyé, chaque action implique ainsi, non pas une seule personne, mais un groupe complet d'individus. Sans choisir la facilité, qui aurait été de lui offrir le point de vue d'un seul personnage, Fleischer pousse le vice jusqu'à rendre omniscient son spectateur, en le scotchant à l'objectif de cette caméra qui visite l'intégralité du train sans jamais se reposer.


Le résultat est sans appel, efficace et envoûtant, même s'il manque d'un soupçon de percussion, dans son final notamment —un peu trop facile—. L’énigme du Chicago Express est l'exemple parfait qu'il n'est pas nécessaire de prendre des chemins détournés, ni de travestir son propos avec du tape à l'oeil et des fausses pistes inutiles, pour capter l'attention. 13 jours de tournage, un budget restreint, des acteurs pas forcément parmi les plus talentueux, mais dirigés avec précision, il n'en fallait pas plus à Fleischer pour tourner un polar très solide, dont la courte durée rend l'histoire frénétique alors qu'elle ne fait étalage de rien de bien spectaculaire. [Mode vieux con]Si seulement cette soif d'efficacité pouvait être remise au gout du jour, cela nous éviterait, peut être, de voir chaque film sortant en salle accuser tous plus de deux heures à la durée sans que ce ne soit réellement nécessaire.[/Mode vieux con]

oso
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le 19 août 2014

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