S’il est un genre (parmi tous ceux dans lesquels il s’aventura), le thriller (voire le film fantastique) fut celui dans lequel Jacques Tourneur excella. Pour confidentiel qu’est L’Enquête est close, ce film s’inscrit tout à fait dans le cinéma cher au réalisateur. Annonciateur en bien des points de l’excellent Rendez-vous avec la peur, le film emprunte autant au film noir, qu’au thriller hitchcockien et à la littérature anglaise d’Arthur Conan Doyle à Agatha Christie. À ces influences évidentes, on rajoutera certainement celle de Sigmund Freud tant la psychanalyse occupe une part importante dans le récit. Chaque personnage, en effet, semble rongé par un mal qu’il n’ose dire (et qu’il ne connaît peut-être pas lui-même), lequel brouille les cartes de la quête du personnage principal. Personnage principal qui est, d’ailleurs, sûrement le plus tourmenté puisqu’il a besoin d’explorer les îles britanniques pour trouver réponse à ce mal qui le ronge, à savoir la mort étrange de son frère. Une mort dont, quelque part, il se sent en partie coupable, ainsi qu’il l’avouera à celle à qui il s’échine de faire la cour.
Cet aveu (comme tant d’autres) et le personnage féminin illustrent sûrement les principales faiblesses du film. L’ensemble est, en effet, excessivement bavard, les personnages (tous un peu abîmés par leurs névroses) se répandant sur leurs troubles, et le personnage féminin dessinant une romance parfois un peu agaçante (même si elle a son utilité dans la peinture des personnages qui l’entourent). Plus avance l’enquête, plus on comprend que celle-ci a finalement peu d’importance. Elle n’est que la traduction du mal-être des différents personnages qui ne parviennent pas à se départir d’une culpabilité qu’ils expriment par des tares qui leur sont propres (le personnage principal incapable d’être ponctuel avec celle qu’il aime, celle-ci qui craint perdre de sa modernité en se mariant, et, bien entendu, tous les membres survivants du commando qui portent à leur façon leur croix).
Le résultat n’est, certes, pas toujours palpitant, mais le propos est intelligent, et la maîtrise de Jacques Tourneur évidente. Les scènes majeures sont d’une grande efficacité, et le choix de partager le récit entre les rues de Londres et les landes écossaises permet de montrer que le malaise des hommes diffère selon les lieux qui l’entourent. On aurait certainement préféré davantage de mystère, mais le film, s’il renoue avec les thèmes chers au cinéaste, se rapproche plus du drame psychologique que du thriller pur et dur. Parfaitement interprété, il a ses qualités et mérite mieux que le peu de considération qu’on lui témoigne aujourd’hui. À reconsidérer au moins pour témoigner du parcours du réalisateur français.