A cause de son "sujet" (les banlieues, les quartiers difficiles, véritable obsession mais aussi point aveugle de la France Sarkozienne), mais surtout de par son exceptionnelle réussite, "L'Esquive" est l'un des films les plus importants de l'année. Mais ce second long métrage d'Abdellatif Kechiche vaut surtout pour la cohabitation romanesque qu'il organise entre la langue classique de Marivaux et la tchatche rap des cités, toutes deux sublimées par des jeunes acteurs électriques, en état de grâce... Kechiche ne filme en effet que la parole, mais il la filme incandescente, "en marche", avec une telle fièvre, mû par une telle urgence, que ce simple (?) film politique (un film qui décrit le monde tel qu'il est et qui le rêve tel qu'il pourrait être) acquiert une fantastique puissance artistique. Soit à la fois un choc et un ravissement. [Critique écrite en 2004]