Avant-dernier film états-unien d’Hitchcock, L'Étau marque l’incursion redoublée du cinéaste dans le champ déclaré de la politique.

Après son récit de contre-espionnage établi dans Le Rideau déchiré, Hitchcock élit de nouveau le même terrain dramatique pour y développer un récit international d’espionnage. La figure de l’espion, paradoxalement peu employée par Hitchcock, offre des possibilités dramaturgiques adéquates pour jouer de vérités et de contre-vérités, système de progression narrative cher au cinéaste.

L'Étau croise différents itinéraires, élit plusieurs personnages pour dresser le portrait riche d’un monde où, au-delà de la bipolarisation des nations, se cache une complexité plus retorse. Considéré comme un des plus mauvais films du cinéaste, détesté par Hitchcock lui-même n’y ayant pas pu exercer son plein contrôle), L'Étau jouit pourtant de qualité qui manque au Rideau déchiré ou même à Frenzy. Bien sûr, l’intrigue y est moins explicitement lisible, les personnages sont écrits avec moins de profondeur. Néanmoins la rigueur de la mise en scène, la précision des cadrages et de leurs articulations respectives confèrent au film une teneur qui manque aux autres. Certains plans, dans leur durée, titubent. Notoirement, un des derniers où le personnage de Michel Piccoli est sensé rentrer chez lui. Nous ne voyons de son corps qu’une masse sombre passer le pas de la porte. En vérité, il s’agit de la reprise d’un plan précédent où Philippe Noiret entrait par la même porte. Par faute de temps au tournage, Hitchcock utilisa ce plan au montage, à l’extrême instant où il se termine, pour lui donner un sens nouveau.

L'Étau est bancal, il titube de n’avoir pas les perfections des grands Hitchcock. Et c’est justement de cette incertitude, ce sont ces scories dignes d’un premier film qui lui prêtent tout son charme.

YasujiroRilke
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le 16 nov. 2025

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Yasujirô Rilke

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