Souviens-toi...

J'aime beaucoup la façon dont le film traite du traumatisme, de ce qu'il peut rapporter de "bon" comme le métier du personnage de Léa Drucker mais aussi l'auto-destruction qui peut en découler, cette volonté de détruire ou de prendre le risque de détruire tout ce qui a été bâti mais aussi vouloir fuir ce qu'on est voué à devenir. Le personnage de Léa Drucker a tout pour être heureuse, oui ça parle de l'ennui bourgeois mais ça va bien au delà de ça mais Catherine Breillat fait le choix de garder une grande part de mystère dans son personnage, en résulte une femme hyper floue, énigmatique et ambigüe.

En plus de ça Catherine Breillat filme les corps de près, pendant de longs moments, laissant ainsi infuser le malaise notamment pendant les scènes de sexe où la caméra va être collé au visage (même en général la caméra va souvent être proche du visage de l'actrice) laissant ainsi Léa Drucker seule dans le cadre (ou Samuel Kircher lors de la première fois).

Anne, de par son métier ou sa condition sociale, n'a jamais le droit de montrer une quelconque vulnérabilité et c'est pourtant le jeune Théo qui va totalement la désarçonnée, elle qui doit toujours garder la tête froide, on sent dans les plans serrés sur le visage de Léa Drucker et la subtilité de son jeu qu'Anne perd pied et que sa carapace se fissure peu à peu, ce qui la rendrait presque victime elle aussi, c'est tellement bien écrit, elle a été victime dans sa jeunesse mais devient aussi victime dans la figure de la prédatrice dont on sent qu'elle est profondément traumatisée.

Le personnage de Samuel Kircher, Théo, même si c'est avant tout une victime dans l'histoire a aussi clairement des raisons concrètes d'agir ainsi, on est pas dans la représentation caricaturale et bête de la victime de détournement de mineur sans aucune profondeur. Il arrive à une période de sa vie où il en a marre de son père qui n'a jamais été là et de cette hypocrisie bourgeoise, point où les 2 personnages principaux se rejoignent. On sent quand même que ça reste un ado très immature, ça le film ne l'oublie pas et ne va jamais cautionner quoi que ce soit.

Comme toujours Léa Drucker est incroyable et ça fait du bien de la voir dans un tel rôle, manipulatrice et froide tout en ayant cette subtilité quant à son vécu, phénoménale, sans doute l'une des meilleures actrices françaises actuelles, dès qu'elle joue dans un film c'est forcément un gros plus pour le film en question.