Malheureusement, ce n'est pas avec button que Fincher atteignit son akmḗ

Mouai, je ne suis déjà pas un grand fan de David Fincher. À la limite, ce que j'aime le plus chez lui est l'usage pertinent du numérique, du trucage, de la 3D (la manière de nous faire visiter le moindre recoin de l'appartement dans Panic Room ou le plan aérien dans Zodiac, pour ne citer que ces deux exemples)… pas de bol ! L'Étrange Histoire de Benjamin Button est probablement son film le moins réussit de ce côté-là ; ça vieillit vite la 3D. Les nombreuses scènes avec Brad Pitt plus vieux/jeune (à savoir la majorité des scènes du long-métrage) ont donc été l'occasion de me plonger dans la vallée de l'étrange.

Heureusement, étant quelqu'un de magnanime, mais surtout modeste, je ne vais point faire une fixette dessus.


Le long-métrage m'a beaucoup fait penser à M. Nobody, Big Fish, notamment à Forrest Gump (Eric Roth ayant aussi bossé sur ce scénario, comme quoi tout est lié). On retrouve, en effet, cette logique de l'histoire d'une personne unique qui nous est contée, son vécu hors du commun, ainsi que certaines thématiques bien plus classiques comme le regret (en partie à travers le personnage d'Elizabeth Abbott), la solitude, la mort, l'amour… j'ai par contre du mal à comprendre ce qu'a voulu faire David Fincher avec son film. Ce dernier oscille entre le réaliste et le fantastique. Benjamin Button naît vieux puis rajeunit, mais soit les gens n'en ont strictement rien à branler, soit c'est désamorcé d'une façon ridicule. Par exemple, à un moment, il se retrouve sur un bateau, le capitaine Mike (Jared Harris) lui fait la remarque comme quoi il semble rajeunir avec le temps, Benjamin lui répond que c'est à cause de l'alcool que le capitaine s'ingurgite… et puis voilà, c'est tout, c'est "à cause de l'alcool", on passe à la suite. Le problème, c'est que le film traite son sujet plus avec humour qu'avec sérieux. Pourquoi pas, mais même à ce niveau-là, c'est traité plutôt superficiellement.

Heureusement, ça s'améliore une fois arrivée à la fin, on a affaire à une sorte de "schéma inversé", on revient sur cette fameuse horloge présentée en début de film. Le drame reprend le dessus. Mais difficile de ne pas se dire "tout ça pour ça ?" ; il y avait matière à dire plus, à faire mieux.


Il n'y a pas de scènes fondamentalement marquantes. La scène du "What if …?", par rapport à l'accident de Daisy (Cate Blanchett), est probablement l'une des mieux réussies malgré le fait qu'elle ne se révèle pas non plus d'une originalité débordante. J'apprécie aussi le running gag hommage à Roy Sullivan, l'homme qui s'est pris la foudre à sept reprises.

Par contre, on se tape le cliché de la scène dans laquelle la mère qui n'a rien osé dire à sa fille concernant son passé : sa carrière de danseuse et sa relation avec Benjamin, le fait qu'il soit son père. Pourquoi faire ça ? On se doute bien que c'est la fille de Benjamin qui nous conte l'histoire. Par ailleurs, le lien mère/fille n'étant d'ailleurs absolument pas creusée, et ceci n'étant de toute façon pas l'objectif du film, ce n'est pas comme si ça apportait de la consistance à leur relation.


Certaines scènes, mais aussi certains personnages, sont bien trop vites expédiés, ne sont pas assez creusés, on a l'impression d'avoir affaire à des "personnages-fonctions". J'ai déjà parlé du Capitaine Mike plus haut, dont l'unique but est de faire découvrir le plaisir charnel à Benjamin en l'amenant voir des femmes de joies. Mais d'autres, comme son père, Thomas (Jason Flemyng), sont, eux aussi, bien trop vite expédiés. Après l'avoir abandonné à sa naissance, il revient vers son fils à plusieurs reprises, lui indique à un moment qu'il est son père, puis lui cède l'entreprise et sa maison avant de mourir. On passe à autre chose, on apprend juste à un moment que Benjamin a vendu la maison de son père pour s'acheter un duplex.

Dans l'ensemble, le film passe d'un sujet à l'autre sans qu'on en soit véritablement saisit.

Malgré ces défauts, ça n'empêche pas certains personnages d'être plus réussis. C'est le cas notamment de Ngunda Oti (Rampai Mohadi), inspiré de la vie du pygmée Ota Benga, connu pour avoir été enfermé dans un zoo humain. Les meilleurs dialogues du film concernent sans aucun doute ce personnage. C'est aussi le cas du personnage d'Elizabeth Abbott, déjà parce qu'incarné par Tilda Swinton (ce qui est déjà une raison bien suffisante pour la hisser parmi les meilleurs rôles du film), mais aussi parce que sa relation avec Benjamin fonctionne à merveille… probablement même mieux qu'avec sa femme.


On sent que c'est une adaptation, qu'il y a eu des coupes, mais peut-être que je me trompe et que c'est l'exact opposé, que les scénaristes ont tenté d'apporter de la matière au récit : cela peut paraître surprenant, mais ce fut le cas, semble-t-il, avec Forrest Gump… mais à vrai dire je me moque de tout ça ! Ce qui m'intéresse, c'est le film, pas l'adaptation, que Fincher charcute l'œuvre ou non, je m'en moque, le but, c'est qu'il réalise une bonne œuvre, qu'il se l'approprie. Si Stanley Kubrick a réalisé un Shining-film meilleur que le Shining-bouquin, c'est justement parce qu'il s'est approprié l'œuvre, qu'il n'a pas hésité une seule seconde à tuer Stephen King pour réaliser son film. Ici, je ne vois pas un mauvais film, mais je n'en vois pas un fondamentalement bon non plus, je vois quelque chose de dispensable. En fait, j'ai surtout l'impression d'avoir vu une équipe qui a tenté par tous les moyens d'adapter une nouvelle jugée justement trop dure à adapter pour beaucoup, ce qui expliquerait le nombre de mains par lequel est passé le film depuis le rachat des droits par Ray Stark dans les années 1980, mais aussi d'avoir vu quelques trucages qui ont déjà sacrément mal vieilli en moins de 15 ans.

Le visionnage n'en vaut plus la chandelle... mais l'a-t-il réellement valu à un moment ?

MacCAM

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