Aujourd’hui, je suis allé au cinéma. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai vu L'Etranger, par Ozon. J’avais amené quelques élèves. Les sièges étaient inconfortables mais le film, en noir et blanc, était plaisant au regard. Les acteurs étaient beaux, et très bons.
Cela oscillait. Tantôt les mots précis de Camus, tantôt les images romancées de Ozon: Marie prenait plus de place, Meursault pensait au futur, rêvait de sa mère, de la mort, pleurait. Le cinéma narratif aime les romances, il faut bien le satisfaire. On a discuté en sortant de la salle. On a regretté que le film n’ait pas tout à fait joué l’indifférence de Meursault, n’ait pas tout à fait montré la succession de sensations qui constitue sa vie. On aurait aimé plus de bruits, plus d’inserts, plus de plans subjectifs, encore plus de soleil. On aurait aimé une gradation formelle à mesure que Meursault accède à sa différence. Le cinéma narratif aime les récits de vie. Mais L’Etranger de Camus n’est pas le récit d'une vie, c’est l'expression d'une sensibilité inédite, un morceau de philosophie.