Je suis actuellement en pleine lecture de "Kong", l'épais roman (plus de 1100 pages) de Michel Le Bris, dans lequel il raconte la vie en forme d'épopée de Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, depuis les tranchées de la Première Guerre Mondiale où ils se sont engagés comme volontaires, et tout leur périple cinématographique, qui les a amenés à réaliser King Kong. Leur vie est une aventure folle, absolument incroyable, impensable avant de s'y plonger, et au début de leur carrière du moins, ils n'hésitaient pas à mettre leur vie en jeu pour un seul plan de cinéma. Ils ont commencé par le cinéma documentaire, et leur idée était de partir au bout du monde, dans des contrées encore inexplorées, le plus loin possible, avec le plus de dangers possibles, pour en ramener des images. Cette lecture passionnante, toujours en cours, m'a donné immédiatement envie de lancer une grande rétrospective de leur oeuvre, dont je ne connaissais que King Kong, comme la plupart d'entre nous. Grass, sorti en 1925, il y a donc pile 100 ans, est leur premier long métrage, strictement documentaire, et celui dans lequel ils se sont mis le plus en danger. Ils ont traversé, accompagnés de leur amie la journaliste Marguerite Harrison, la Turquie, la Syrie puis l'Iran, risquant leur vie chaque jour, pour y dénicher la tribu d'un peuple oublié de tous, les Bakhtiaris, je cite wikipédia : "une tribu d'Iran méridional dans leur transhumance bi-annuelle de leurs quartiers d'hiver, dans la province de Khouzistan, à leurs quartiers d'été dans la province du Tchaharmahal-et-Bakhtiari, en traversant la rivière Bazoft, l'un des affluents du fleuve Karoun et les monts enneigés du Zard Kuh, l'un des massifs des monts Zagros". Ce voyage, cette transhumance, constitue la totalité du film, nos trois auteurs, nos trois héros pourrait-on dire, s'embarquant avec la tribu et les suivant dans cette traversée hallucinante, ils sont plus de 50.000 et presque autant d'animaux, qui dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois. C'est LE film d'aventure par essence, sans doute le plus beau de tous, à tous niveaux. Dans sa construction, un voyage, dans son approche, c'est un documentaire pur, mais le scénario est écrit par la vie elle-même, ce qui est encore plus fort, par le danger couru, permanent, et par la beauté inouïe des images ramenées par nos jeunes cinéastes, qui se voient d'ailleurs autant comme des aventuriers que comme des réalisateurs. Disons que pour eux c'est la même chose, l'un ne va pas sans l'autre.