Un Bergman fantastique, avec des forces occultes, maléfiques, un peu comme dans le méconnu "Le rite".

Un peintre torturé, d'âge mûr, vient s'isoler sur une île avec sa jeune femme enceinte, vive et simple. Insomniaque, il attend l'aube avec anxiété, et est en proie à des visions horrifiques, tirées de son passé, ou au contraire de l'avenir. Puis apparaît le châtelain de l'île, qui invite le couple à un repas. L'ambiance y est si étrange que le couple se fissure, le peintre se murant dans ses obsessions.

Film alternant des prises de vues diurne aux contours très nets et des séquences nocturnes cauchemardesques pré-lynchéennes, "L'heure du loup" gagne à être connu. Tous ses plans sont baignés d'une magie qui n'existe guère plus de nos jours : la photogénie.

Si le début semble plat, à la limite de la caricature du film intimiste dont Bergman est familier, une deuxième vision révèle que des forces sous-jacentes, qui annoncent les malheurs à venir, y sont déjà à l'oeuvre.

La vision de l'amour est toujours aussi désenchantée, car ici l'échec se double d'une incommunicabilité que ne parvient pas à surmonter le partage du journal intime. Il y a aussi une réflexion sur l'art, mais le thème central, ce sont les démons intérieurs, les peurs et les tentations que chacun doit affronter.

Les dessins du peintre sont systématiquement hors-champ, la bonne vieille suggestion (ou bien bergman songeait les ajouter plus tard ?). Ils trouvent leur écho dans les séquences finales, où les habitants du chateau montrent leur vraie forme, celle d'oiseaux de proie nocturne. Séquence très marquante, qui relève d'un imaginaire clairement nordique. Il y a aussi cette image récurrente d'un cadavre de jeune garçon disparaissant dans l'eau sombre, ou au contraire émergeant, une image qui hante, digne d'un Jean Epstein. Une scène particulièrement effrayante, également, est celle où le châtelain interprète une scène de "Don Giovanni" de Mozart avec des marionnettes. Le spectateur voit à la place de la marionnette un acteur en miniature, mais tous les personnages semblent trouver cela normal. Dérangeant, d'autant que le placement des ampoules, vues en contre-plongée, à la fin, suggère que le peintre devient la marionnette des habitants du château.

"L'heure du loup" est un film fantastique, dans tous les sens du terme, et un film très personnel. Son montage, son écriture, ses images sont magnifiquement maîtrisés, que demander de plus ?
zardoz6704
9
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le 2 déc. 2012

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8 j'aime

zardoz6704

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