Le voisin que Le Corbusier n'avait pas prévu.

Mariano Cohn et Gastón Duprat, déjà responsables de Enciclopedia, Yo Presidente et El Artista, nous reviennent une quatrième fois, cette fois-ci avec une comédie dramatique puisant son inspiration dans les querelles de voisinages. Julien Courbet es-tu là ?
Leonardo (Rafel Spregelburd) fait partie des designers en vogue de son pays. Signe évident de sa réussite, il vit avec son épouse Ana (Eugenia Alonso) et sa fille Lola (Inés Budassi) dans la maison Curutchet, seule maison construite par Le Corbusier en Argentine. Un matin, il est réveillé par un bruit obsédant : comme si on perçait un mur...

Si l'on pense immédiatement à Julien Courbet et son Sans Aucun Doute, on se détache néanmoins assez vite de cette comparaison, pour découvrir le véritable fond du problème, la lutte des classes. Contrairement à l'émission sus-nommée, nous présentant constamment des gens issus de milieux sociaux identiques, le duo de réalisateurs nous sert ici deux personnages diamétralement opposés, donnant presque l'impression d'être un jeu de rôles où chacun d'entre eux essaierait de se faire l'avocat d'un des protagonistes. Leonardo est un connard, c'est sûr, représentant le stéréotype du designer branché auquel la vie sourit et qui le fait savoir, n'hésitant pas à rouler dans la boue ceux qui lui sont inférieurs. Victor est son opposé, c'est un homme simple, qui ne fait pas de manière, et qui bien qu'il puisse de prime abord inspirer la peur, se montre conciliant et amical, et même si les raisons de rosser Leonardo étaient innombrables, il n'est pour autant pas idiot, ne prenant pas le risque de s'attirer des ennuis à cause d'une perte de self-control.
Rythmée par l'escalades des lancées de piques, l'oeuvre nous dévoile progressivement la nature des personnages, mais surtout celle de Leonardo, laissant planer une ambiguïté bien sentie dans la tête du spectateur quant à ce dont serait capable Victor, aussi doux qu'il peut paraître patibulaire. Plus on découvre Leonardo, plus on se rend compte que s'il est pleutre avec son voisin et incapable de s'affirmer lors de ses négociations, c'est parce qu'il l'est aussi dans sa vie privée. Impuissant face à sa femme, castratrice exerçant sur lui une pression constante, et paraissant transparent aux yeux de sa fille, on finit par palper les raisons qui font que cet homme perd pied, et que c'est cette broutille de voisinage qui sera la goutte d'eau qui fera déborder le vase.

Bref, L'Homme d'à côté est un véritable délice, de par son conflit à deux niveaux, que ça soit celui entre les voisins, mais aussi entre les classes, nous servant quelques stéréotypes, mais ne sombrant jamais dans le ridicule, ceux-ci ne dénaturant jamais vraiment la réalité des choses. On arrive à se projeter dans les deux personnages, et c'est là que Cohn et Duprat font fort, manipulant nos sentiments et nous faisant successivement passer d'un camp à un autre, tout en installant subtilement un climat de plus en plus oppressant.
Le choix de la maison est judicieux, amplifiant la réaction de Leonardo, ne comprenant pas que quelqu'un puisse être suffisamment irrespectueux au point d'être capable de faire un trou dedans, et la complexité de son architecture sert de miroir à celle de la situation, délicate, et dont l'issue est parfaitement imprévisible.
Comme lors de tout conflit de voisinage, le spectateur prendra un plaisir sadique à voir les choses s'envenimer, nous offrant bon nombre de situations comiques, tout du moins lorsque l'on est étranger au problème, rappelant évidemment les tranches de rigolades que l'on avait pendant l'émission de Julien Courbet.
Un drame efficace, mené par Rafel Spregelburd et Daniel Araoz, deux acteurs eux aussi opposés, le premier venant du théâtre et le second de la télé, mais dont les jeux sont d'une justesse et d'une sincérité qui se complètent et créent un mariage des plus intéressants.
Pour conclure, les amateurs de comédies dramatiques intelligentes, originales, et aux issues incertaines succomberont au charme particulier de cette oeuvre singulière et contemporaine.
Mention spéciale pour le duo Spregelburd/Araoz, choisi avec ingéniosité, efficace, imprévisible, et inoubliable, et qu'une fois la bobine terminée, on aura du mal à quitter.
SlashersHouse
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le 28 avr. 2011

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