Au début des années 70, voir Clint Eastwood s'attaquer au western pour son second long-métrage en tant que metteur en scène laissait fortement supposer que le bonhomme paierait son tribut à Sergio Leone et accoucherait d'une photocopie de sa collaboration avec le maestro italien. Si Eastwood ne renie à aucun moment son passé d'homme sans nom, il fait preuve d'une intelligence remarquable et d'un véritable talent de cinéaste, tuant symboliquement ses "pères" (principalement Leone, Siegel et Hutton, dont on peu apercevoir les tombes au début du film), apportant une vision toute personnelle à un genre codifié jusqu'à l'os.

Cassant son image de cowboy viril, comme il l'avait déjà fait au cours de son premier essai (l'excellent "Un frisson dans la nuit"), Eastwood incarne ici une sorte de variation de son personnage fétiche de justicier taciturne, mais jette aux orties toute notion de bonté ou d'esprit chevaleresque, prenant le risque de s'aliéner son public avec un anti-héros ambigu dégommant trois gus et frôlant le viol sur pétasse à peine arrivée dans une bourgade rongée par la corruption.

L'acteur / cinéaste offre une vision extrêmement pessimiste de l'humanité, montrant les hommes comme des lâches et les femmes comme des garces hystériques, réglant violemment ses comptes avec les nanties et les institutions, ne faisant preuve d'une légère bienveillance qu'envers les outsiders, les freaks et les laissés pour compte, se posant en gardien sentencieux de valeurs morales disparues depuis belle lurette.

Loin de copier ses maîtres, Eastwood hisse le western vers une autre dimension, apportant un regard neuf et plongeant le genre dans une atmosphère inconfortable et délétère, à la lisière du surnaturel, gardant le mystère sur l'identité de son redresseur de tord (ce que viendra anéantir le doublage français), jusqu'au déchaînement de violence final, apocalypse paroxystique à la beauté aussi fracassante que terrifiante, vengeance implacable comme surgit d'outre-tombe d'une âme tourmentée qui ne trouvera le repos que dans le sang et le chaos.
Gand-Alf
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le 16 sept. 2014

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le 16 sept. 2014

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