Lorsque Terry Gilliam eut l'idée d'un long-métrage inspiré du Don Quichotte de Cerventes, nous étions en 1989. Le temps de bien potasser le script pendant dix ans, Gilliam commence le tournage avec Johnny Depp et Jean Rochefort en 2000. Une infection de la prostate, puis une double hernie discale, et enfin des pluies torrentielles, font avorter le projet. Après des droits perdus, des réécritures de script, des droits récupérés, des changements de distribution, le projet reprend vie avec Jack O'Connell et Sir John Hurt, mais ce dernier sera diagnostiqué d'un cancer, et Don Quichotte disparait à nouveau.
2017, Gilliam finalise enfin son projet, presque vingt ans après l'avoir mis sur rails, avec Jonathan Pryce et Adam Driver dans les rôles principaux. Est-ce que l'attente de près de vingt ans valait le coup ?
Toby Grisoni, réalisateur de pubs blasé et aigri, retrouve sur un tournage en Espagne une copie d'un film étudiant qu'il avait réalisé plus de dix ans plus tôt, adaptation du célèbre Don Quichotte de Cervantes. Retrouvant une passion qu'il avait perdue depuis longtemps, il part à la recherche du village de Los Sueños où il avait tourné, pour s'apercevoir que le vieux cordonnier qu'il avait engagé pour le rôle titre se prend désormais réellement pour Don Quichotte.
Difficile d'entrer dans les détails lorsque l'on parle d'un Terry Gilliam. L'Homme qui Tua Don Quichotte ne déroge pas à la règle, tant il baigne dans une sorte de flou scénaristique constant (mais voulu) qui donne un côté très onirique à l'ensemble.
A l'instar de l'Imaginarium du Dr Parnassus, la progression du scénario ne suit pas réellement quelque chose de logique. Adam Driver tente beaucoup de s'enfuir pour retrouver la "civilisation" et doit pour ça suivre Jonathan Pryce. On a vraiment cette impression d'avoir deux mondes, le monde "réel" dans lequel Toby tourne sa pub, et une sorte de monde parallèle, bloqué dix ans plus tôt, ou toujours hanté par ce tournage si particulier pour ce petit village, où les habitants ont des réaction tellement étranges qu'ils en seraient presque des créatures fantasmagoriques.
Ce côté presque cauchemardesque est également visible à l'écran, Gilliam usant constamment de trompe l'oeil et d'axes de caméra vertigineux. La différence entre les rêves et la réalité disparait peu à peu. Les plans baignent dans une lumière ocre travaillée, puis, en deuxième partie, regorge de pointes de couleurs un peu partout, donnant à la pellicule un cachet presque pictural.
Dans tout ce fatras très gilliamesque, Adam Driver s'en tire très bien, mais on retiendra surtout Jonathan Pryce, qui alterne des moments où il est très touchant et, paradoxalement, très humain (alors qu'il a quand même bien perdu la bouboule), et quelques moments où il glace le sang dans sa folie qui ne laisse plus aucune place à sa conscience.
Difficile d'en dire plus sur ce Gilliam. L'Homme qui Tua Don Quichotte, c'est "Subjectif, le film". J'ai personnellement adoré ce côté très onirique, ce travail des couleurs, et la qualité du jeu des acteurs, mais ça demeure constamment tellement illogique qu'il devient compliqué d'analyser plus que ça ou d'en parler davantage.
Je vous laisse donc sur ce grand "je sais pas, allez le voir et vous me direz".